Erreurs et anachronismes de « Bridgerton »
Je vous propose aujourd’hui une critique (tout à fait personnelle) de la série Bridgerton, sous l’angle du réalisme historique.
Cette série est une sorte de fantaisie ambiance Régence, et on sait dès le départ qu’ils n’ont pas la volonté de faire une reconstitution historique fidèle. Pas de souci. Je ne m’attarderai donc pas sur l’ambiance bonbon-cupcake, les costumes, les décors et les couleurs qui piquent les yeux, parce que c’est un spectacle en soi, que ça peut être rigolo et plaisant, et que ça fait partie de cet aspect « fantaisie », justement. Certains costumes sont vraiment fous et magnifiques ! (on en parle, des perruques de la reine ? 😉 )
Par contre, le récit est quand même supposé se dérouler dans la noblesse de Londres en 1813. Dans ce cas, il y a des choses qui ne fonctionnent pas et c’est ça que je m’en vais vous partager. On va parler de la saison 1 uniquement.
(Alerte ! Cet article va être super long ! 😉 )
NOTEZ QUE je ne connais pas du tout les livres, j’ai seulement regardé la série. Je n’ai aucune idée de la qualité du travail de l’autrice, ni dans quelle mesure la série est restée fidèle ou pas à son oeuvre.
SPOILERS ! Si vous n’avez pas vu la série et que vous ne voulez pas vous la faire gâcher, passez votre chemin !
Anachronismes, incohérences ou mauvaise compréhension de l’époque
En vrac :
- Les prénoms des personnages : c’est le premier truc qui m’a agacée… Ils ne correspondent en rien à ce qu’on trouvait dans la classe supérieure anglaise pendant la Régence. Un prénom correspond à une époque, une génération, un milieu social, on ne peut pas faire n’importe quoi avec. Les pires prénoms selon moi sont par exemple Daphné, Eloise, Marina, Cressida, Anthony, Colin, Violet, Nigel, Portia (qui seront plus courants à la toute fin du XIXe et au XXe, pas avant). Ceux qui correspondent mieux sont plutôt Charlotte, Francesca, Prudence, Edmund ou Benedict. Si vous voulez jouer à vérifier la popularité de ces prénoms, essayez le site en.geneanet.org 🙂
- L’étiquette à table : au dîner de Simon chez les Bridgerton, il est l’invité de marque. L’étiquette voudrait qu’il soit assis à la droite de Lady Bridgerton, pas à sa gauche (voir ici).
- La boxe : je doute qu’un duc fasse de la boxe, ce n’est vraiment pas un sport de gentleman. Les nobles et autres gentlemans assistaient bel et bien aux matchs pour le plaisir et les paris, mais je doute fort qu’ils le pratiquaient eux-mêmes, ça restait un sport d’hommes du peuple. Je doute aussi fortement de la présence de femmes bien nées lors de ces matchs, c’est un spectacle beaucoup trop vulgaire et violent pour elles.
- L’école : en tant que duc, Simon ne serait jamais allé à l’école à 5-6 ans comme le dit la série. Il aurait été éduqué à la maison par une gouvernante (ici) ou un précepteur, et n’aurait été envoyé au collège qu’à partir de 12 ans.
- Le tabac pour les femmes : Eloise fume des cigarettes manufacturées, faites avec du papier, or ces cigarettes-là n’apparaissent qu’après 1830. Lady Danbury est plus crédible avec ses petits cigarillos. Quant au fait que des femmes fument, ça tient la route. Fin XVIIIe, les femmes élégantes prisaient du tabac (dans la scène du thé en compagnie de Lady Bridgerton, la reine ne sniffe pas de la coke : elle prise 😉 ) (ici), et au XIXe les femmes du peuple fument la pipe. Pour des femmes de la haute société, fumer n’est pas courant mais ça peut être perçu comme un acte un peu transgressif (Eloise est une ado rebelle qui fume en cachette, et Lady Danbury une forte tête qui se moque des conventions).
- La bière : elle est considérée comme une boisson pour les hommes du peuple, alors que les gentlemans boivent du vin ou des spiritueux (ici). Ça aurait été logique qu’Anthony commande une bière s’il avait été dans une taverne, mais c’est beaucoup moins crédible dans son club pour gentlemans, qui est un lieu très chic (ici).
- Voyager de nuit : ah là là… ce Simon qui s’obstine à partir en voyage tard le soir, quand il fait nuit… C’est stupide, aucune voiture à cheval – et encore moins un bateau ! – ne sonne l’heure du départ une fois la nuit tombée, à une époque où seuls quelques quartiers chics de Londres disposent d’un peu d’éclairage de rue.
- Les plumes : Daphné écrit une lettre en utilisant une plume munie d’une pointe en métal. Manque de bol, ces plumes métalliques ne sont apparues que vers 1820-1830.
- Les uniformes : à Clyvedon, les domestiques féminines portent une sorte d’uniforme (robes grises et tabliers). Ça date plutôt de l’époque victorienne. Pendant la Régence, les valets de pied avaient des livrées, mais les autres s’habillaient comme ils voulaient.
- Le deuil : dites, ça ne les tente pas, les filles Featherington, de porter une robe de deuil à la mort de leur père ? Seule Lady Featherington porte une robe vaguement sombre… Qu’est-ce qu’elles font du deuil intégral ? (ici)
Confusion dans les codes sociaux de la noblesse
- La reine Charlotte : elle est sacrément accessible, je trouve ! Elle se promène tranquilou parmi ses invités, parle à tout le monde, se laisse approcher… Que fait-on de la préséance ? (ici) De plus, sa relation avec Daphné et Eloise, qui ne sont que des filles de vicomte en plus de n’être que des gamines, n’est pas du tout crédible.
- L’insistance d’Anthony : il n’a aucune raison logique de vouloir à ce point marier sa soeur à Nigel Berbrooke, qui est seulement baron, un rang inférieur à celui de vicomte des Bridgerton. Pour une débutante bien née comme Daphné, on peut espérer la marier à un homme d’un rang supérieur, ce qui apporterait un prestige supplémentaire à la famille (un duc, c’est le top du top !). De plus, Daphné vient à peine d’arriver sur le marché du mariage, elle a le temps de trouver un excellent parti, donc l’empressement de son frère est incohérent. En revanche, pour ce qui est de la façon qu’a Anthony d’imposer son choix à tout le monde, c’est logique : il a succédé à son père décédé, il est le nouveau vicomte de Bridgerton et il est le chef de famille, il a donc toute autorité (y compris sur sa mère) et il est légitime à se préoccuper du mariage de sa soeur.
- Le prince Friedrich : même étranger, même sans importance politique, il reste un prince. Or, la royauté et la noblesse ne sont pas exactement la même chose (ici), et pour Friedrich l’objectif est de se trouver une épouse qui soit elle-même princesse, mais pas une simple fille de vicomte très TRÈS en dessous de son rang… Le fait que la reine Charlotte encourage une union aussi déséquilibrée n’a aucun sens.
- Miss Untel : des demoiselles qui ne sont ni des amies intimes ni des parentes ne s’appellent pas par leurs prénoms (« Bonjour, Cressida », « Bonjour, Daphné »…). C’est bien trop familier, elles devraient plutôt s’appeler Miss Untel.
- Your Grace : Daphné et Simon s’appellent mutuellement Your Grace une fois mariés, y compris dans l’intimité. Au début, j’ai cru qu’ils le faisaient après leur dispute, pour ironiser et montrer la distance qu’ils prennent l’un avec l’autre, mais une fois réconciliés ils continuent. C’est une erreur. Ce sont les gens inférieurs à leur rang qui devraient les appeler comme ça, mais eux, entre eux, ils s’appelleraient Duc/Duchesse ou Monsieur/Madame (ici), ou par leurs prénoms dans l’intimité.
Confusion entre les nobles et la classe des travailleurs
- Les intendantes ont un rôle fourre-tout… Elles servent tantôt d’intendantes pour gérer la maison (ici), tantôt de dames de compagnie (Mrs. Wilson qui accompagne Lady Bridgerton pour aller prendre le thé chez la reine, Mrs. Varley avec Lady Featherington dans ses courses en ville), tantôt on suggère qu’elles ont quasiment tenu un rôle de nourrice et langé les bébés de la famille. C’est n’importe quoi. Si une dame seule a besoin de se déplacer avec un chaperon, elle prendra plutôt sa femme de chambre, qui est une sorte d’assistante personnelle, car son intendante a d’autres chats à fouetter. Dans le même genre, Daphné invite sa propre intendante, Mrs. Colson, à… prendre le thé avec elle ? Et depuis quand une domestique s’assoit à la même table que sa maîtresse ? Ce n’est pas sa copine ! Un bon point par contre : les intendantes portent une châtelaine (ici) à la ceinture.
- La modiste, Geneviève Delacroix, se permet d’appeler Eloise ma chérie… Elle est bien familière, cette modiste, dites donc !
- Enfin, lors du dernier bal organisé par Daphné et Simon, son ami boxeur est invité avec sa femme. Non seulement on se demande avec quel argent ils se sont payé des tenues et des bijoux pareils, mais socialement ils n’ont rien à faire là. Ce sont des gens du peuple, ils ne seraient jamais invités dans une réception donnée par un duc, quand bien même ce duc serait leur meilleur pote.
Confusion autour du fait d’être « dans le monde »
Ah là là… C’est un truc qui m’a gonflée pendant toute la série : les enfants ne sont pas « dans le monde », par conséquent ils ne sont jamais invités aux mondanités. Point. Ce n’est pas leur place. Dans la fratrie Bridgerton, il n’y a que les trois frères aînés et Daphné qui sont « dans le monde », tous les autres sont encore des enfants.
- Eloise, Francesca, Hyacinth et Gregory n’ont rien à faire à la cérémonie de débutante de Daphné, ni au lunch de la reine (depuis quand on amène ses enfants à la Cour ?). En revanche, pour le pique-nique dans le parc, c’est tolérable, parce que ça ne ressemble pas à une mondanité formelle, mais plutôt une activité familiale détendue.
- Lady Featherington a présenté ses trois filles à la reine en même temps ! Ça n’a aucun sens : logiquement, des soeurs devraient avoir au moins 1 ou 2 ans d’écart d’âge, et les parents vont toujours préférer faire entrer leurs filles dans le monde une par une, pour que la première trouve à se marier avant l’arrivée de la soeur suivante. Ça suit l’ordre d’aînesse et ça permet aux parents de concentrer leurs efforts matrimoniaux sur une fille à la fois.
- Le fait de recevoir Simon à dîner chez les Bridgerton un soir est très bien, mais on l’invite pour la première fois et par-dessus le marché c’est un duc. Ce dîner devrait donc être beaucoup plus formel, et les enfants Bridgerton ne devraient pas être à table avec les adultes, encore moins si c’est pour jouer à se lancer des petits pois !
- Le bébé qu’on aperçoit à l’un des bals est une pure aberration…
- Eloise est aussi une aberration : sa mère la fait se rendre à un concert puis à un bal, tout en continuant de lui affirmer que c’est juste un essai en attendant le jour où Eloise fera vraiment sa première sortie dans le monde (ici). Elle sort, ou elle ne sort pas, mais elle ne reste pas entre les deux !
Manières, réputation et scandales
- Marina se permet de rejeter l’offre de mariage du frère de son ex-amoureux au prétexte qu’elle n’est plus enceinte et que désormais elle pourra se trouver un autre mari. Or, sa grossesse hors mariage a été rendue publique, ce qui signifie que toute sa réputation est ternie et que, enceinte ou pas, on va continuer de lui tourner le dos. Sa situation n’a absolument pas changé, donc sa réaction est stupide. Seul bon point avec ce personnage : son bijou « oeil d’amoureux » autour du cou (ici), qu’elle ne porte plus après que son amoureux ait cessé de lui écrire.
- À l’opposé, on nous fait tout un plat de la réputation de Daphné, supposément entachée par le fait qu’on l’a vue seule dans un jardin avec un homme, le soir, donc il faut la marier en vitesse. Oui, c’est vrai que la réputation d’une jeune fille non mariée est super importante, en particulier dans la noblesse où la pureté de la lignée familiale est super importante. Mais là, le contexte est vraiment léger : Daphné et Simon n’ont été seuls dans le jardin que quelques minutes, lors d’un bal avec plein de gens pas loin, et au final c’est la parole de Cressida contre celle de Daphné. Ça ne justifie vraiment pas que Daphné se marie pour « sauver sa réputation ». Le cas de Marina est autrement plus grave !
- Par ailleurs, la série nous montre beaucoup de tête-à-tête, de danses « collé-serré », de jeunes gens qui se touchent alors que les manières et l’étiquette de l’époque (ici) imposent beaucoup plus de distance et de retenue. Quand à l’aisance avec laquelle Simon parle de sexualité à Daphné, et la facilité avec laquelle leurs relations sexuelles deviennent passionnées et épanouissantes en l’espace de 2 ou 3 semaines, c’est juste n’importe quoi.
- Parlant de manières… J’ai vraiment eu beaucoup de mal avec le personnage d’Eloise. Elle ne sait pas se tenir ! Elle a une façon de mettre sa main sur la hanche, de s’avachir sur les fauteuils, de s’accoter contre les murs ou le cadre des portes… Son langage corporel est vraiment très vulgaire pour une fille de son rang.
Une chronologie aux stéroïdes
Encore un truc qui m’a fait rouler des yeux, mais je m’y attendais, vu que les scénaristes de films ou séries ont tendance à compresser les évènements pour rendre l’histoire plus dynamique.
N’empêche… La saison de Londres (ici) dure de Pâques jusqu’à début juillet. Disons 2 mois et demi, ou 3 mois si on veut être généreux. Daphné est présentée à la reine au tout début de la saison, et en 3 mois elle a le temps de faire des allers et retours entre divers prétendants, tomber amoureuse, se marier en vitesse, partir dans sa nouvelle maison pour passer quelques semaines de lune de miel, devenir super à l’aise avec sa sexualité, réaliser qu’elle n’est pas encore enceinte (après 1 mois de mariage ?), avoir des conflits avec son mari, revenir à Londres, se préoccuper d’une voisine (Marina) dont elle se fout éperdument depuis le début de l’histoire, régler ses conflits avec son mari et partir sur la route du bonheur… Fiou !
En dehors du fait qu’il faut bien une série télé pour caler autant d’évènements en si peu de temps, l’empressement des Bridgerton à marier leur première fille est ridicule. Daphné a 17 ou 18 ans, elle est bien dotée et d’une excellente famille, autrement dit il n’y a pas d’urgence, on va pouvoir la marier d’ici 1 ou 2 ans. La saison de Londres sert à la faire connaître de tout le monde, mais le reste de l’année les soupirants peuvent prendre le temps de faire leur cour. Il n’y a aucune obligation ni aucun prestige particulier à se marier absolument lors de sa première saison (ou alors c’est qu’en réalité le fiancé était déjà trouvé d’avance). Autant laisser venir les meilleurs partis, plutôt que de se dépêcher de la marier au premier venu.
Et puisqu’on parle de chronologie, l’histoire de la licence spéciale pour que Simon et Daphné se marient en 3 jours au lieu des 3 semaines minimum (ici et ici) est également bien tirée par les cheveux. Ils n’ont aucune raison logique de se marier si vite après l’annonce de leurs fiançailles, et le fait que la reine intervienne auprès de l’archevêque de Canterbury pour empêcher ou autoriser l’octroi de cette licence me paraît bien fumeux. Sans compter la façon dont Simon arrive à la convaincre que c’est bien un mariage d’amouuuuuur (comme si c’était le seul bon argument pour se marier), et le fait que la couturière va devoir travailler sacrément vite pour produire en si peu de temps une robe de mariage (blanche, bien sûr… hum…) (voyez ici). Bref. Obtenir une licence, ça se fait, mais dans le cas de Simon et Daphné rien ne le justifie.
Les scènes de bal
Les danses
Les danses sont variées, mais la série nous montre un peu beaucoup de valses à mon goût (j’ai même vu un truc qui ressemblait très fort à un tango !). En 1813, la valse existait déjà mais elle n’était pas encore super répandue parce qu’elle était trop scandaleuse, du fait de la proximité et de l’intimité des danseurs, qui dansent face à face, collés. Les danses les plus courantes à la Régence étaient plutôt des menuets, des quadrilles et des reels, où les couples dansent en groupes et où on est beaucoup moins proches physiquement.
Un autre truc qui m’a amusée, ce sont ces pistes de danse circulaires, avec une fontaine ou une composition décorative en plein centre, pour que les danseurs évoluent en rond autour. Je ne sais pas si c’est réaliste ou pas, mais je ne me souviens pas avoir vu ça ailleurs ! 😉
La musique
Vous savez que je suis une fan d’opéra et de musique classique. Alors, sans surprise, le dernier truc qui m’a agacée dans cette série, ce sont certains choix musicaux. Je n’ai pas de problème avec les musiques d’ambiance, puisqu’elles ne sont destinées qu’à nous, les spectateurs (au contraire, ça peut même créer des effets artistiques décalés super intéressants), mais pour les musiques qui font partie de la scène, qui sont jouées/chantées/écoutées par les personnages, j’aurais préféré qu’elles soient de style baroque ou classique pour correspondre à la Régence. Malheureusement, plusieurs sont du style romantique, c’est à dire après 1830 (un petit récap ici).
Quelques morceaux anachroniques que j’ai reconnus :
- O quante volte, un air d’opéra de Bellini, 1830 (épisode 3 : Siena le chante sur scène). Cela dit, un bon point pour le fait que le public est debout et bavarde pendant le spectacle, en effet ça se faisait couramment.
- la valse n°2 de Shostakovitch, 1940 (épisode 4 : la scène est vraiment vilaine, on voit des danseurs danser un quadrille sur une musique de valse, et un musicien qui joue d’une fausse harpe avec des ficelles à la place de vraies cordes…)
- la barcarolle, un air d’opéra d’Offenbach, 1881 (épisode 4 : Siena et sa collègue le chantent au bal)
- les quatre saisons (été, 3e mouvement) de Vivaldi, 1725 (épisode 7 : dans la salle de concert). A priori ça pourrait coller, sauf qu’on ne jouait pas Vivaldi à l’époque : il avait été complètement oublié et n’a été remis à la mode qu’au tournant du XXe siècle
En conclusion
Je n’ai pas abordé l’aspect colorblind de la série, qui est un débat en soi (et j’avais déjà trop de choses à dire). Dites-moi si ça vous tente qu’on en reparle la semaine prochaine, ça serait l’occasion de discuter du traitement des personnes non blanches dans les films/séries du XIXe se situant dans des pays occidentaux.
Pour aujourd’hui, je voudrais juste souligner à quel point Bridgerton est à cheval entre deux mondes : ce n’est pas tout à fait une série historique, mais en même temps ce n’est pas non plus complètement fantaisiste/imaginaire puisque ça s’inscrit dans un environnement historique bien connu, la Régence anglaise. On a l’impression que les créateurs de la série n’ont pas poussé leur concept assez loin dans l’une ou l’autre direction : le résultat n’est ni complètement historique, ni complètement imaginaire.
Le truc, c’est que la Régence possède des codes bien distincts qui la définissent (respect d’une certaine étiquette, mode néoclassique, hiérarchie sociale très structurée, dialogues savoureux où on ne dit jamais ce qu’on veut vraiment dire…) et que les spectateurs s’attendent à ce que ces codes soient respectés puisque ça fait partie du plaisir de regarder une fiction de ce type. C’est ce qu’on aime dans les adaptations des romans de Jane Austen ou les films/séries d’époque que la BBC produit en quantité. Même Taboo (dont j’ai parlé ici) ou Les chroniques de Frankenstein sont beaucoup plus réalistes pour représenter la Régence, tout en développant par ailleurs un style et des intrigues qui leur sont propres. Comme quoi, on peut s’approprier une époque, trouver un angle original pour la raconter et la réinventer, sans pour autant tout défigurer, aussi longtemps qu’on en respecter les codes de base.
Mais Bridgerton n’a pas tenu compte de tout ça et a préféré pasticher la Régence anglaise à la sauce hollywoodienne. Le résultat est donc un entre-deux…
EDIT : suite à vos commentaires, je me suis penchée sur la question de la présence des personnes de couleur dans l’Angleterre du XIXe et sur le casting colorblind de Bridgerton. Je vous renvoie donc à cet article, ici. 🙂