Mr Darcy et Georgiana, Orgueil et préjugés, musique
Époque georgienne,  Époque Régence anglaise

Quelle musique écoutent Darcy et Elizabeth ?

Une fois n’est pas coutume, parlons un peu musique ! Mais avant d’embrayer sur Orgueil et préjugés, un petit rappel pour se resituer…


Survol de l’histoire de la musique occidentale

On parle de musique classique en fourrant tout dans le même sac, mais en réalité la musique occidentale se divise en périodes bien distinctes, avec leurs compositeurs-stars et, chaque fois, un style de musique avec ses modes, ses codes et ses standards (et je ne parle bien sûr que de musique occidentale, car la musique dans le reste du monde serait un tout autre et très vaste sujet !).

On la décrit parfois comme musique savante, par opposition à musique populaire, qui inclut les genres musicaux que nous connaissons (pop, rock, folk, jazz, blues, reggae, soul, metal, country, techno, electro, etc…).

J’aime bien qu’on cherche une autre appellation à « classique », car ce mot désigne une période musicale en soi et ne devrait pas être un fourre-tout, mais « savant » sonne comme quelque chose d’élitiste, alors c’est pas idéal non plus. La musique dite « classique » ne devrait clairement pas être réservée à une élite… 🙁

Mais revenons à nos moutons ! Voici donc une petite chronologie :

Comme je cite ci-dessous beaucoup de compositeurs que j’aime et que j’écoute régulièrement, je vous propose en exemple une de leurs oeuvres. Cliquez et découvrez ! 😉

Avant l’an 500 – ANTIQUE : difficile de savoir à quoi ressemblait la musique de l’Antiquité, car on n’a retrouvé que des fragments d’oeuvres, sur des papyrus. Pas facile à rejouer ! En revanche, les Grecs (incluant notre copain Pythagore) ont écrit des traités théoriques sur la musique. Et apparemment, c’était bien loin des harmonies auxquelles nous sommes habitués !

De 500 à 1400 – MÉDIÉVALE : Le Moyen-Âge s’étend sur des siècles, alors on a le temps de voir s’épanouir lentement plusieurs styles musicaux. Les compositeurs n’ont pas forcément laissé leurs noms, mais on commence à mettre ces musiques par écrit, sur des partitions qui ressemblent grossièrement à ce que nous utilisons aujourd’hui. Un exemple de chant grégorien ou de balade.

De 1400 à 1600 – RENAISSANCE : On développe beaucoup de nouveaux instruments à cette époque (comme le violon, la trompette, la harpe…), ce qui ouvre pas mal de perspectives. On commence à reconnaître les compositeurs par leurs noms : Monteverdi, Dowland, Palestrina

De 1600 à 1750 – BAROQUE : C’est l’époque bénie du dieu des musiciens, j’ai nommé le grand Jean-Sébastien Bach (sans déconner, oubliez Mozart : tous les musiciens vous diront que le plus grand compositeur de tous les temps, c’est Bach ! 😉 ). C’est aussi la belle époque des castrats (j’ai fait un article entier sur eux ici), et d’autres compositeurs célèbres comme Vivaldi, Haendel, Purcell, Porpora

De 1750 à 1830 – CLASSIQUE : Comparée aux précédentes, c’est une période assez courte, mais très marquée par l’incontournable Mozart, ainsi que Haydn, Rossini… et vers la fin, Beethoven, qui opère la transition vers le romantisme.

(L’époque de Jane Austen, ça se passe ici)

De 1830 à 1900 – ROMANTIQUE : Voici le temps des pianistes virtuoses comme Chopin ou Liszt, et des grandes envolées de Berlioz, Schubert, Mahler, Dvorak, Strauss, Verdi, Brahms, Tchaïkovsky, Puccini… sans oublier la solennité un peu pompeuse de Wagner, qu’on adore ou qu’on déteste. La musique de Rachmaninov est aussi typiquement romantique, même si lui a vécu dans les années 1930.

De 1900 à 1950 – MODERNE : Debussy, Stravinsky, Orff, Bartok, Satie, Prokofiev, Chostakovitch, Poulenc… Ils ont créé un joyeux bordel musical sans vraiment de standards typiques de cette période, mais avec au contraire une exploration de styles très variés qui s’entremêlent. Les règles académiques prennent un peu le bord !

De 1950 à aujourd’hui – CONTEMPORAINE : Pärt, Glass, Richter, Boulez… Je ne sais pas si c’est la précédente orgie de styles musicaux qui a créé un effet « gueule de bois », mais on opère un virage à 180 degrés : la musique, désormais, est plutôt minimaliste…


Dans Orgueil et préjugés, version BBC

Dans la série de la BBC, lors de la visite d’Elizabeth à Pemberley en compagnie des Gardiner, elle chante au pianoforte, avec Georgiana pour lui tourner les pages.

Cet air s’intitule Voi che sapete, c’est un extrait des Noces de Figaro, un opéra composé par Mozart en 1786.

Si ça vous tente de l’écouter en entier, je vous conseille cette très belle version de Joyce DiDonato (ou sinon écoutez la version d’Isabel Leonard).


Dans Orgueil et préjugés, version 2005

Dans le film, Elizabeth ne chante pas et la bande sonore s’articule essentiellement autour du piano, avec des compositions de Dario Marinelli.

Par contre, la fameuse scène du bal à Netherfield, où Elizabeth et Darcy dansent ensemble tout en se foudroyant du regard, est un clin d’oeil à une musique baroque de Purcell et intitulée : A Postcard to Henry Purcell.

La musique originale, elle, a été composée par Purcell en 1695 : il s’agit du Rondeau d’Abdelazer (une musique accompagnant une pièce de théâtre de l’époque : « Abdelazer ou la revanche du Maure »).

En voici une version typiquement baroque :


L’accès à la musique

À l’époque de Jane Austen, le plus difficile n’était pas d’accéder à un certain type de musique plutôt qu’un autre : c’était d’accéder à la musique tout court ! Sans disques ni lecteurs mp3, il était précieux d’avoir chez soi un ou une musicienne de talent pour divertir la famille pendant les longues soirées (voyez ici l’importance des accomplissement artistiques).

Voilà pourquoi on encourageait tant les jeunes filles à développer un talent musical. Elles apprenaient généralement le pianoforte (j’en parle ici), ou la flûte, ou la harpe (ou les trois !), ainsi que le chant. Les hommes n’étaient pas en reste : on ne les incitait peut-être pas autant à pratiquer un instrument, car on les préférait dehors à cheval plutôt qu’à l’intérieur, mais eux aussi apprenaient à chanter.


Playlist chez les Darcy

Musique savante, oui…

On peut supposer sans trop se tromper qu’en 1811, on écoutait de la musique classique, baroque, et probablement aussi renaissance.

Il est probable que l’aristocratie et la gentry écoutaient en priorité ce genre de musique savante, se rendant de temps en temps à l’opéra et admirant ce qui était académiquement reconnu comme « beau » et « de qualité ».

Les compositeurs oeuvrant en Angleterre étaient sûrement les plus faciles d’accès, mais les français-allemands-autrichiens-italiens avaient une réputation internationale et on pouvait aussi accéder à leurs oeuvres.

Elizabeth et Darcy, au hasard des soirées à la maison avec Georgiana, ou bien en société ou encore lors leurs sorties à Londres, pouvaient donc écouter du Purcell, Haendel, Downland, Haydn, Bach, Mozart, Rossini, Monterverdi… (pas de Vivaldi, en revanche, car il est tombé dans l’oubli après sa mort et n’a été redécouvert qu’au début du XXème).

… mais pas que !

Il existait aussi de nombreuses musiques populaires, que les fermiers et le petit peuple jouait lors de leurs bals et fêtes (qu’on qualifierait aujourd’hui de folkloriques).

La gentry ne crachait pas forcément dessus. Quand j’ai fait mes recherches sur les types de danses qu’on dansait dans un bal comme celui de Netherfield, et on y trouvait assez souvent des danses populaires et les musiques rythmées qui vont avec (allez voir ici, j’y décris justement les danses de l’époque).

Après, j’imagine que ça devait être assez variable selon les milieux : il y avait sans doute moins de chances qu’on écoute des danses écossaises populaires dans les élégants salons de Rosings, en revanche ça devait faire le bonheur des danseurs dans les bals publics de Meryton !

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