Bal de l'époque Régence, XIXe siècle
Époque Régence anglaise

Que dansait-on lors d’un bal de la Régence anglaise ?

Je ne sais pas vous, mais personnellement j’ai longtemps pensé que les danses du début du XIXème étaient compliquées, lentes et un peu ennuyeuses. Si le premier point est tout à fait juste, les autres le sont beaucoup moins !

Ça ne fait sûrement pas très chic d’avoir les joues rouges et les cheveux collés au front par la sueur, et pourtant c’est ce qui arrivait la plupart du temps, car les danses qu’on pratiquait étaient, pour certaines, franchement sportives et surtout elles duraient longtemps !


La préparation

Un maître de danse

Les danses sont très compliquées et il est indispensable de s’entraîner longtemps avant de s’élancer sur la piste (d’autant qu’on ne voudrait pour rien au monde se ridiculiser en public : le bal, c’est une affaire sérieuse !).

On peut, bien entendu, apprendre à la maison en pratiquant avec ses frères, soeurs, cousins, etc, mais si on en a les moyens on va aussi se payer les services d’un professeur de danse.

Les bonnes chaussures

Pour danser, il faut des chaussures dédiées à ça, ainsi que la bonne surface au sol. Dans l’idéal, une salle de bal a un sol en pierre (le marbre est must !) ou bien un plancher de bois franc, afin que les pieds puissent glisser dessus. Cela favorisera d’ailleurs l’arrivée progressive de danses avec des pas glissés, et plus seulement des pas sautés.

Les femmes portent des ballerines en cuir ou en soie colorée, parfois avec des rubans aux chevilles pour mieux les tenir. Et comme une salle de bal n’est clairement pas l’endroit pour porter ses bottes d’équitation, les hommes aussi portent des souliers légers, noirs, avec ou sans boucle, et la plupart du temps avec des bas blancs (mais je reparlerai plus tard de la mode néoclassique chez les hommes).

Chaussures de bal / souliers de danse de l'époque Régence, au XIXème siècle, pour femme et homme

Les types de danses

Les danses que l’on pratique lors des bals de la Régence sont inspirées à la fois des danses de cour et de certaines « danses du peuple » (appelées country dance, ce qui aurait donné en français le mot contredanse).

Elles se dansent en couples ouverts, c’est à dire que les danseurs se tiennent côte à côte (plutôt que face à face), tournés vers l’extérieur, et sont en relation directe avec les couples voisins afin de créer des effets de groupe. Certaines ne peuvent se faire qu’avec un nombre fixe de couples, d’autres sont à géométrie variable.

DÉTAIL : On cherche bien entendu toujours à composer des couples homme/femme. Cela dit, il n’y a pas que Darcy qui rechigne à danser : les hommes essayent parfois de se faire oublier en passant la soirée à discuter entre eux au fumoir ou autour des tables de cartes, auquel cas il n’est pas impossible que deux femmes dansent entre elles.

Certaines danses étaient aussi prévues pour des ensembles de 3 personnes (2 hommes et 1 femme, ou l’inverse).

Je vous cite ci-dessous www.regencydances.org, qui est le site web le plus complet à ce sujet. Vous y trouverez des animations expliquant les déplacements des couples dans chaque danse et de nombreuses vidéos décrivant les pas (pas chassés, à l’Allemande, pas de bourrée, jetés, balancés, écossais…)

Cliquez sur l’image, puis sur le bouton « Play », pour voir l’animation (M1 pour Man1, et L1 pour Lady1).

Le quadrille

Issu de la contredanse française du XVIIIème, le quadrille se compose d’un nombre variable de couples organisés en colonnes, ou bien de 4 couples organisés en carrés (d’où son nom).

« La Fantaisie – 5th La trompette », quadrille (1822)

ANECDOTE : en France, dans les bals publics de la fin du XIXème siècle, le quadrille va se déformer et se ponctuer de pas improvisés. On appellera ça le chahut, mieux connu encore sous le nom de… cancan ! Un sacré chemin à parcourir pour arriver à nos célèbres danseuses du Moulin Rouge !

Le cotillon

Le cotillon est une contredanse à 4 ou 8 danseurs, où l’un des couples mène le jeu et mime des figures que les autres vont imiter.

« La Strasbourgeoise », cotillon (1762)

La country dance

Les danses villageoises, folkloriques, avec leurs figures et leurs musiques typiquement régionales (écossaises, irlandaises, galloises, etc), ont été reprises à la cour d’Angleterre dès le règne d’Elizabeth Ière. Elles n’ont donc de « campagnardes » que le nom.

« La Wellington », Longways country dance, triple minor (1816)

Parmi les country dances, le scotch reel est particulièrement apprécié à l’époque de Jane Austen (scotch pour « écossais » et reel pour « tournoyer »)

Il existait des reels à 3, 4, 6, 8 danseurs, voire bien plus, car on pouvait faire tout un tas de combinaisons en fonction du nombre de danseurs disponibles à ce moment-là.

« The eightsome reel », un reel écossais à 8 danseurs.

Le menuet

Le menuet a ceci de particulier que le couple de danseurs est seul face au reste des invités : il ne faut donc pas avoir le trac, car tout le monde vous observe ! On l’utilisait pour ouvrir le bal, et notamment pour présenter les jeunes célibataires à la recherche d’un époux.

Le menuet est issu des danses de cour de l’époque baroque, mais il a toujours cours au début du XIXème. Il sera peu à peu remplacé par la valse, qui servira elle aussi à ouvrir le bal et ne sera plus forcément dansée par les jeunes débutantes, mais plutôt par le couple d’hôtes qui organise le bal.

PRÉCISION : Soulignons que toutes ces danses peuvent durer un certain temps.

Nous sommes habitués, à notre époque moderne, à danser sur des chansons de 3 à 4 minutes en moyenne. Du temps de Jane Austen, ça pouvait être le double, voire le triple, certaines danses faisant jusqu’à 12 minutes (et encore, ça dépendait du tempo adopté par les musiciens). Alors si, en plus, la danse est un peu vive, on devait se retrouver en nage le temps de le dire !

Heureusement, il y a toujours un certain délai qui s’écoule entre chaque danse, car il faut organiser la mise en place des nouveaux couples, alors on dispose de quelques minutes pour reprendre son souffle…


La scandaleuse valse

La valse fait son apparition en Autriche vers 1780 avant de se répandre progressivement dans le reste de l’Occident. À l’époque de Jane Austen, on la connaissait donc déjà.

Cela dit, on la critiquait plus qu’on ne la dansait vraiment, car elle était considérée comme trop inconvenante, trop sensuelle. Pour la première fois, il s’agit d’une danse où le couple est fermé, c’est à dire que l’homme danse face à la femme (et non plus à côté d’elle) et sans interactions avec les autres couples : c’est à véritable tête à tête amoureux, où les corps sont proches et enlacés.

On s’y essayait, bien sûr, mais ce n’était que balbutiant. Il y a peu de chance qu’on ait dansé la valse à Netherfield ! En réalité, c’est durant l’époque victorienne, à partir de la moitié du XIXème siècle, que les mentalités vont évoluer et que la valse gagnera vraiment ses lettres de noblesse.


L’éventail, l’antisèche de la danseuse

Danser, ça donne chaud ! Dans ce cas, l’éventail est l’accessoire indispensable pour se rafraîchir et ne pas avoir une grosse face rougeaude disgracieuse quand un beau gentleman célibataire vient vous inviter pour la prochaine danse…

Éventail de bal avec des dessins de danseurs pour se rappeler des pas. Une antisèche !
Je n’arrive pas à trouver cette photo en meilleure qualité, mais arrivez-vous à distinguer les silhouettes de danseurs, en haut de l’éventail ?

Comme on peut jouer avec un éventail, l’ouvrir, se cacher derrière, s’éventer avec élégance, puis le refermer, certaines danseuses en ont profité pour… y écrire des antisèches ! Rien d’étonnant vu la complexité de certaines danses ! On a ainsi retrouvé des éventails où étaient dessinés et écrits des pas et des figures de danses, histoire de se rafraîchir la mémoire autant que le visage en attendant le début du prochain reel…

Rigolo, non ? 😉

Éventail de bal de l'époque victorienne où on pouvait noter les noms des cavaliers à qui on a promis une danse. Un carnet de bal !
Le crayon est même fourni !

L’astuce est restée lorsque le carnet de bal a fait son apparition, pendant l’époque victorienne. Certains éventails (prévus pour ça) permettaient d’écrire le nom des danses et des cavaliers à qui on les avait promises.


Conclusion

Un bal n’est pas qu’un étalage de jolies robes sur fond de musique pépère… C’est un évènement social complexe, où l’on joue son image et sa réputation, où l’on doit savoir exécuter convenablement des danses très complexes (et pas juste se trémousser en rythme comme nous le faisons, nous, dans nos boîtes de nuit), et où se décidera peut-être l’avenir tout entier d’une jeune femme en quête d’un mari.

Pas étonnant qu’il prenne une telle place dans l’univers de Jane Austen !

SOURCES :
Regencydances.org
Wikipedia - Regency dance
Wikipedia - Country dance
Regency music and dance
Wikipédia - Valse
Regency fan club
Wikipédia - Quadrille
Universalis - Contredanse
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