Le bal, un évènement de choix pendant la Régence anglaise
À une époque où les divertissements ne sont pas légions et où il est vital (notamment pour des raisons financières) d’être bien intégré dans la société, les bals occupent une place prépondérante car ils permettent l’un et l’autre.
On y vient pour se divertir, mais surtout pour se montrer en public, parader, créer ou entretenir ses relations, et, bien sûr, se trouver un ou une partenaire si on n’en a pas encore.
Le mot bal (ou ball, en anglais) vient du latin ballare, qui signifie « danser ». Cela a également donné les mots ballet et ballade (je parle ici de la chanson dansée, pas de la promenade en forêt qui s’écrit d’ailleurs avec un seul L) (mais je m’égare déjà… 😉 ).
Bal public ou bal privé
Bal public
Aller au bal n’est absolument pas réservé à la noblesse et la gentry : les commerçants, artisans, et même les paysans aisés peuvent aussi en profiter, car il existe des bals publics auxquels tout le monde peut se rendre à condition de s’acheter son billet (comme on irait au théâtre, par exemple).
Dans Orgueil et préjugés, c’est typiquement le cas du bal de Meryton où Elizabeth et Darcy se rencontrent. Pas étonnant que ce dernier fasse la moue devant le côté campagnard et populaire de ce petit bal : les classes sociales s’y mélangent beaucoup trop à son goût, c’est certain !
Bal privé
Une famille (si elle est assez riche) peut aussi organiser un bal à domicile, et dans ce cas elle y invitera les personnes qu’elle veut et au nombre qu’elle veut, ce qui donne des bals plus ou moins prestigieux. Par opposition à celui de Meryton, le bal de Netherfield est donc un bal privé très chic, organisé par Bingley, qui n’y invite que des gens « très comme il faut ». Bien entendu, plus la fête est fastueuse, plus c’est une preuve de l’excellent statut social de celui qui l’organise.
Enfin, d’autres bals nécessitaient eux aussi de débourser des sous, mais cette fois pour une bonne cause : il s’agit des grands bals prestigieux organisés pour lever des fonds pour les bonnes oeuvres, comme celui de la reine Charlotte, par exemple, dont je parle un peu ici. Inutile de préciser que, cette fois, seule l’élite de la société y était invitée…
La bonne tenue
Le code vestimentaire
En toute logique, le code vestimentaire ne sera pas le même dans un bal public ou un privé. C’est la « qualité » de l’évènement et des gens présents ce soir-là qui va dicter le niveau d’effort à mettre dans sa tenue (rien de très original : nous faisons la même chose de nos jours).
Pour un bal privé chic, une tenue idéale, pour une femme, serait :
- une robe de bal, c’est à dire une robe du soir qui, au contraire des robes de jour, a les bras nus. On essaye en effet de montrer un plus de peau que d’habitude pour se rendre sexy.
- … mais en même temps, comme on est aussi une jeune femme modeste et sage, on porte des gants longs afin de ne pas être trop en « peau contre peau » avec notre partenaire.
- côté décolleté, par contre, pas de problème ! On aimait voir des poitrines bien hautes et bien pigeonnantes, d’où les brassières et autres short stays dont j’ai parlé ici.
- un éventail, c’est toujours pratique pour se rafraîchir, parce que danser, ça donne chaud ! Ça peut aussi servir d’antisèche pour les danses, voyez plutôt ici 😉
- des souliers de danse (que nous appelons aujourd’hui des ballerines)
- des bijoux, peignes, rubans et autres ornements pour être la plus belle
- et, bien sûr, les cheveux sont forcément relevés. Jamais longs dans le dos. Jamais-jamais-jamais. Ni pour un bal, ni jamais. Et si vous vous demandez « Mais pourquoi donc, tiens ? », je m’en explique ici. 😉
DÉTAIL : le carnet de bal, dans lequel la danseuse note les danses qu’elle a promis à différents cavaliers, ne fait son apparition que vers 1820. À quelques années près, les soeurs Bennet n’en utilisaient donc pas encore.
Une robe blanche pour aller au bal ?
J’expliquais ici que ce sont plutôt les robes de bal qui sont susceptibles d’être blanches, et pas du tout les robes de mariées.
Le blanc n’avait rien à voir avec la pureté ou la virginité. C’était avant tout un symbole de richesse, car les vêtements coûtaient très cher et étaient difficile à entretenir, alors s’ils étaient blancs, c’était pire.
Porter du blanc dans la vie de tous les jours, c’est faire étalage de son train de vie. Par exemple, sur les peintures de l’époque, les femmes (riches, puisqu’elles ont les moyens de se faire faire le portrait) sont souvent représentées en blanc, ce qui souligne leur statut social élevé.
Les autres, pas aussi privilégiées, vont s’offrir le luxe d’avoir quelques précieux vêtements blancs, qui seront réservés aux grandes occasions. Il est donc tout à fait logique que pour un évènement de grande ampleur, tel que le bal de Netherfield, les soeurs Bennet cherchent à se mettent sur leur 31 avec leur plus belle (et probablement leur seule) robe blanche.
Cela dit, le blanc n’est pas du tout une obligation : il existe aussi quantité d’autres robes de bal plus luxueuses les unes que les autres… et en couleur.
À boire et à manger
Le principe d’un bal, c’est de danser. Mais il y a tellement à dire sur les danses que j’y ai réservé un article entier, ici !
En dehors des danses, donc, il y avait le dîner. Ou plutôt, le souper. Ou plutôt, un dîner servi vraiment, mais alors vraiment très tard…
Si vous êtes perdu sur la différence entre un dîner et un souper, voyez ici 🙂
Un bal commence habituellement vers 20h ou 21h. Le temps que les gens arrivent, enlèvent leurs manteaux, enfilent leurs souliers de danse, se saluent mutuellement, avalent un verre ou deux, s’échauffent un peu sur la piste…
À partir de là, on danse pendant 2 ou 3 heures, alors même si on a bu et grignoté quelques friandises, servies tout au long de la soirée par les valets, ce n’est qu’autour de minuit que l’on fait une vraie pause afin de passer à table.
L’hôte doit donc disposer tout à la fois d’une salle de ball (ou d’un salon assez grand qui tiendra ce rôle) et d’une salle à manger où sera servi le repas. Il offre à ses convives un dîner complet, avec plusieurs services et jusqu’à une trentaine de plats différents (je vous renvoie de nouveau ici), auquel cas les gens étaient assis pendant environ deux heures.
Mais il arrivait aussi, pour ne pas interrompre la danse trop longtemps, qu’on serve plutôt un souper, c’est à dire un repas plus léger et moins protocolaire, à base de sandwiches, de viandes froides, etc. Je me souviens avoir lu quelque part (sans réussir à retrouver où) que les invités se plaignaient parfois d’être conviés à un bal et de ne s’y faire servir que des sandwiches… 😉 Mieux vaut ne pas être trop radin sur la bouffe si on veut garder une bonne réputation parmi ses voisins !
En boissons, il y a du thé, du café, de la limonade, du vin clairet, du Madère ou du Porto très populaires à l’époque… Le ponch à la romaine est aussi une boisson souvent servie pour rafraîchir les danseurs, puisqu’elle est à base de vin blanc (voire de champagne !), de rhum, de limonade et de meringue, le tout sur fond de glace pilée (oui, il était possible d’avoir la glace, à l’époque, même si le frigo n’existait pas, à condition de disposer d’une glacière, voyez ici).
Après le dîner/souper, les danses peuvent reprendre pour ceux qui en ont encore le courage. Il y a aussi le fumoir ou le salon pour les joueurs de cartes, histoire de divertir ceux qui n’ont pas envie de danser.
La soirée peut en réalité finir aux petites heures du matin…
En conclusion
Je vous décris certaines des danses de l’époque dans l’article suivant, juste ici. Et si jamais vous arrivez à remettre la main dessus je ne peux que vous conseiller de regarder l’excellent documentaire de la BBC où ils ont voulu recréer le bal de Netherfield. C’est fascinant ! 🙂
SOURCES :
Having a ball at Chawton House
Supper at the Netherfield ball
Attending a Regency ball
Tumblr - Pemberley state of mind