Un couteau suisse au féminin : la châtelaine
Dans la série des objets ravissants et surprenants dont j’ignorais l’existence avant de tomber dessus par hasard, j’ai nommé : la chatelaine !
PRÉCISION : Dans cet article, je vais écrire chatelaine sans accent circonflexe, car je parle de la version anglaise, très à la mode à l’époque victorienne. Cela dit, on utilisait bel et bien le mot châtelaine en France pour désigner le même objet.
L’attribut de la gérante
Une chatelaine, c’est un ensemble de petits objets reliés entre eux par des chaînettes, qu’une femme porte accrochés à sa ceinture. Ces objets sont ceux dont elle peut avoir besoin pour gérer sa maison au quotidien et qu’elle veut avoir sous la main en permanence. À elle de composer son kit personnalisé ! On y trouve en général :
- des clés
- une petite paire de ciseaux
- un dé à coudre
- une montre
- un sceau
- un crayon
- un petit carnet de notes
- un couteau de poche
- etc.
La chatelaine indique le statut de la femme qui la porte. Les clés, notamment, sont super importantes : celle qui possède les clés des bureaux, placards ou buffets, c’est forcément celle qui dirige la maisonnée et donne des instructions aux domestiques.
Il pouvait donc s’agir de la maîtresse de la maison, mais assez souvent c’est son intendante qui porte la chatelaine, car c’est elle qui, concrètement, gère le quotidien.
L’évolution dans le temps
Le mot chatelaine renvoie aux dames de l’époque médiévale, responsables elles aussi de gérer la vie quotidienne de leurs petits châteaux.
Au XVème siècle, les robes n’avaient pas de poches et les dames utilisaient un clavendier, sorte d’anneau qui servait déjà à accrocher à la ceinture clés, bourses, ciseaux, couteaux et autres menus objets. Il a par la suite évolué dans le temps jusqu’à devenir la chatelaine, très courante au XVIIIème et XIXème siècles.
Pendant la Régence, elle disparaît temporairement, car la mode de la taille Empire ne permet plus d’y suspendre quoi que ce soit. Mais après 1820-1830, lorsque le corset revient et que la taille redescend (voir ici), la chatelaine réapparaît elle aussi.
L’attribut de la coquette
Pendant l’époque victorienne et la Belle-Époque, les intendantes continuent de porter la chatelaine pour leur travail quotidien.
Mais cet objet perd également son côté utilitaire pour devenir un accessoire de mode porté par les femmes soucieuses de leur élégance. C’est assez rigolo de constater que, dans ce cas, la chatelaine se transforme un petit kit de beauté !
On y accroche par exemple :
- un miroir
- une petite vinaigrette (voir ici) ou un flacon de parfum
- une pince à épiler
- une épingle à nourrice (un accroc sur une robe est si vite arrivé !)
- un pilulier
- … et même parfois un étui cylindrique pour y loger un petit cigare à fumer !
C’est un accessoire de plus en plus ornemental : les objets qui y sont fixés n’ont plus vraiment d’intérêt en soi (rendus là, le dé à coudre est tout à fait décoratif !) mais deviennent de vrais petits bijoux, sculptés et ornés de pierres ou d’émaux.
Perso, je trouve ça intéressant : reprendre à son compte un objet de travail alors qu’on ne travaille pas soi-même et qu’on en fait seulement un accessoire de mode, je trouve que ça traduit un côté « Regardez-moi, je suis peut-être une femme oisive, mais c’est moi qui dirige »… 😉
En conclusion
Dans Downton Abbey, l’intendante Mrs. Hughes porte bel et bien une chatelaine (quoique la sienne soit assez simple, faite de clés et d’une paire de ciseaux seulement).
On sent nettement la différence entre l’élégante qui veut une chatelaine décorative, et la femme de charge qui va a l’essentiel parce qu’il ne s’agit pour elle que de ses outils de travail.
SOURCES :
Wikipedia - Chatelaine (chain)
Make a Chatelaine
All finished young ladies have a chatelaine
Galerie Ouaiss Antiquités - Chatelaine
Collectors Weekly - Antiques chatelaines
Chatelaines, accessoires du 18e et 19e siècle
Glossaire "Châtelaine"
Chatelaines - Utilitarian Charm