
Les étonnantes traditions d’Halloween au XIXe siècle
Au fil des ans, sur ce blog, j’ai déjà longuement parlé des fêtes de Noël, du Jour de l’An ou de la Nuit des Rois (voyez tout ça ici), mais aussi de Pâques (ici) et de la Saint-Valentin (ici). Cela dit, je n’ai encore jamais abordé Halloween, il était donc temps de rectifier tout ça, d’autant qu’en fouillant un peu je me suis rendue compte que cette fête fourmillait de détails super intéressants et peu connus.
Saviez-vous, par exemple, que l’utilisation des citrouilles n’est apparue qu’au XIXe siècle ? Qu’Halloween n’était pas seulement une occasion de se faire peur, mais aussi de prédire son avenir sentimental ? Et que la formule « Trick or treat » ne remonte pas plus loin que les années 1920 ?

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Les origines et l’évolution d’Halloween
La fête païenne celtique de Samhain
Chez les peuples celtes, quelques siècles avant et quelques siècles après Jésus-Christ, la fête de Samhain marquait la fin de la période des récoltes et le début de l’hiver. On fêtait l’abondance des moissons et on soulignait le retour de l’obscurité, le début de la saison « morte ».
Et justement, on considérait que durant la nuit du 31 octobre, la limite entre le monde des morts et celui des vivants devenait si fine que certains esprits passaient à travers pour revenir vous hanter. Alors, pour les garder à bonne distance, on faisait des feux de joie, on allumait des lanternes aux visages effrayants pour qu’ils n’approchent pas des maisons, ou bien on leur laissait des offrandes de nourriture sur le pas de la porte (tout en fermant bien la porte pour que les esprits n’entrent pas).
L’arrivée de la Chrétienté et l’apparition d’Halloween
Comme souvent, lorsque la religion chrétienne s’est répandue dans les premiers siècles après J.C., elle a reprit à son compte les anciennes fêtes païennes. En Grande-Bretagne, le 31 octobre celtique s’est transformé : désormais, on ne célèbre plus les défunts, mais les Saints chrétiens. Le nom Halloween vient d’ailleurs de All hallows’ eve, qui signifie « la nuit de tous les Saints », sachant que le lendemain (le 1er novembre, donc) est le All hallows’ day, le « jour de tous les Saints », la Toussaint.

Que ce soit pour la nuit d’Halloween ou pour le Jour des Saints qui suit, on continue à faire des feux de joie ou des processions éclairées aux lanternes. Quant aux offrandes alimentaires, elles sont remplacées par des soul cakes (« gâteaux pour les âmes ») : distribuez-les aux pauvres et aux enfants venus faire du porte à porte chez vous, et en échange, ils diront des prières pour le repos des âmes de vos défunts.
Une popularité grandissante aux États-Unis
On vient de dire qu’Halloween, en devenant une fête chrétienne, s’est mise à vénérer les Saints. Or, comme vous le savez, la religion chrétienne – catholique au départ – s’est progressivement scindée en plusieurs branches, et il se trouve que chez les Protestants, on ne vénère pas les Saints.
Quid d’Halloween, pour eux, alors ? Comme fête religieuse autour des Saints, ça leur pose problème, et comme relent de fête païenne autour des défunts, ça leur pose encore plus problème, en particulier à cause de cette mise en lumière des fantômes, sorcières et autres personnages surnaturels pas bien recommandables. En Irlande, ça va, parce que les Irlandais sont majoritairement catholiques, mais dans le reste du Royaume-Uni, où les Protestants prennent de l’ampleur au XIXe siècle, cette fête devient par conséquent moins populaire.
Mais il se trouve que, dans le même temps, les Irlandais et Écossais ont émigré en masse vers les États-Unis, important là-bas leurs fêtes et traditions. Et visiblement, les Protestants américains sont beaucoup moins regardants, parce que dans la seconde moitié du XIXe, Halloween va connaître un beau succès.
Néanmoins, la forme américaine qu’a prise Halloween aujourd’hui est bien une fête autour des défunts et du monde de l’au-delà qui fait peur, et pas vraiment une Toussaint. Maintenant, vous savez pourquoi.
TRICK OR TREAT – Faire du porte à porte pour chanter des chansons ou dire des prières, des poèmes ou des bons voeux, et pour recevoir en échange des friandises ou des piécettes, c’est quelque chose qu’on retrouve couramment dans d’autres fêtes anglo-saxonnes, comme Noël avec ses carols. En revanche, la gentille menace que vous lancent les enfants costumés venus frapper à votre porte, « Trick or treat » (« Donnez-nous des bonbons ou on vous joue un tour ») est récente : elle ne se serait répandue qu’à partir des années 1920, aux États-Unis.
Personnellement, ça me fait beaucoup penser aux chansons du Wassail (voyez ici), où les paysans menaçaient leur seigneur de ne pas bien travailler si jamais il ne se montrait pas assez généreux avec eux.
Jack-O’Lantern : navet ou citrouille ?

« Jack à la lanterne » est un personnage incontournable d’Halloween, soit qu’il possède une tête en forme de citrouille illuminée, soit qu’il porte une citrouille illuminée en guise de lanterne.
Il est probable qu’il s’agisse au départ d’un phénomène de feu follet, que le folklore irlandais aurait cherché à expliquer par le biais d’une histoire. C’est ainsi qu’apparaît la légende de Stingy Jack, un ivrogne méchant et manipulateur, qui aurait offensé à la fois Dieu et le Diable, ce qui fait qu’en mourant le soir d’Halloween il n’a pu aller ni au Paradis ni en Enfer, et que depuis il est condamné à errer sur la Terre jusqu’au Jugement Dernier, avec sa seule lanterne pour s’éclairer dans la nuit.
À l’origine, ce sont des navets ou des betteraves que les Irlandais creusaient pour en faire des lanternes, c’étaient des légumes facile à trouver. Mais à la suite de la Grande Famine qui les a poussés à émigrer en masse vers les États-Unis vers 1845-50, ils ont découvert là-bas des citrouilles tout aussi bon marché et encore plus faciles à creuser, si bien que très vite ce sont elles qui sont devenues le symbole de Jack O’ Lantern (en plus, il paraît que les navets, une fois allumés, ça pue… 😉 ).
Comme quoi, les citrouilles à Halloween, ça vient des États-Unis et c’est très récent !

Une fête de l’amour et du destin
Prédire l’avenir
Certains pensent que la fête celtique de Samhain marquait la fin de l’année et le début d’une nouvelle. Bien que cette idée soit contestée, il n’empêche qu’on retrouve à Halloween la même notion que pour le Nouvel An, à savoir :
Mais que va-t-il se passer pour moi dans la prochaine année ?
C’est peut-être inspiré du fait que pendant cette nuit-là, les fantômes peuvent s’approcher de vous, or, les morts étant morts, ils sont supposés avoir accès à une connaissance universelle et magique, qu’ils pourront transmettre. Pareil pour les sorcières et autres êtres surnaturels.
On retrouve donc, le soir d’Halloween, un certain nombre de jeux de divination pour s’amuser à prédire ce qui va se passer dans l’année qui vient. Et en particulier, les relations amoureuses. Célibataire, vais-je enfin rencontrer l’âme soeur ? En couple, vais-je passer une heureuse année avec mon/ma partenaire ?
Des jeux de divination
- Les pommes à attraper avec les dents
Le apple bobbing est un jeu typique d’Halloween, qui consiste à faire flotter des pommes dans une grande bassine remplie d’eau. Si tu es un ou une jeune célibataire, tu dois attraper une pomme directement avec les dents, sans utiliser tes mains, et si tu es le premier parmi les joueurs à réussir, alors c’est que tu vas te marier dans l’année. Notez que c’est un jeu qui se fait aussi beaucoup avec les enfants, juste pour le plaisir et le défi, mais sans ramener ça au mariage.
Une variante consiste à suspendre les pommes par des fils, au plafond.

- Le jeu du miroir
Si tu es une jeune femme célibataire, regarde dans un miroir à minuit avec une bougie : tu verras passer dans le reflet le visage de ton futur mari, que tu rencontreras ou épouseras dans l’année qui vient.
Petite variante sympa : si c’est un crâne qui apparaît dans le miroir, alors c’est que tu vas bientôt mourir ! Mouahaha ! *rire démoniaque*

- Le jeu des noix
Si tu as un/une amoureux/se, inscrivez votre nom chacun sur une noix (noisettes ou châtaignes, par exemple) puis jetez-les dans le feu. Le comportement des deux noix annonce votre futur. Si l’une des deux bouillonne ou saute loin de l’autre, c’est mauvais signe pour votre couple. Si les deux noix explosent, attendez-vous à une année compliquée, il va y avoir des étincelles entre vous deux ! Mais si elles noircissent et brûlent côte à côte, sans éclater, c’est bon signe pour vous marier.
Tout comme les pommes, l’utilisation des noix n’est pas un hasard puisque c’est un fruit de saison à cette époque de l’année. D’ailleurs, pour désigner Halloween, les Écossais utilisent d’autres noms : Nut-crack Night (« la nuit des noix à craquer ») ou encore The Oracle of the Nuts (« l’oracle des noix »).
Le fuarag : un pouding divinatoire
Toujours en Écosse, on préparait pour Halloween un dessert bien spécial : le fuarag.
Je ne saurais trop vous dire la consistance, j’ai vu qu’il s’agit parfois d’un gâteau dont on découpe des parts, et parfois d’une sorte de porridge d’avoine dans lequel on se sert avec une cuillère. Bon… Disons que c’est un pouding, et vous savez depuis que vous avez lu mon article sur le sujet (ici) que c’est un mot assez fourre-tout ! 😉
Dans ce fourre-tout fuarag, donc, on glisse de petits objets qui représentent le futur. Lorsque les convives se serviront, ils piocheront peut-être par hasard un de ces objets, à la manière d’une fève dans une galette des rois (ils ont parfois les yeux bandés pour ne pas tricher), et ce sera le signe de ce qui les attend dans la prochaine année :
- une clé = tu vas partir en voyage
- une pièce de monnaie = tu vas recevoir de l’argent
- un bouton = tu vas perdre de l’argent (autre interprétation : tu vas rencontrer l’amour)
- un anneau = tu vas te marier
- un dé à coudre = tu vas rester célibataire (autre interprétation : t’es foutue, tu seras vieille fille pour le restant de tes jours ! Mouahaha ! *rire démoniaque*)
FIRST-FOOT : tout ça me fait bigrement penser à une autre tradition écossaise, pour le Nouvel An, où le premier visiteur qui entre dans la maison apporte des objets symboliques pour la bonne fortune de l’année qui commence. Je vous renvoie à cet article, ici.
Et les costumes, alors ?
L’utilisation de costumes à Halloween remonte à aussi loin que le XVIe siècle, en Irlande, Écosse et certaines parties de l’Angleterre.
Si on se costume, c’est pour tromper les esprits qui rôdent cette nuit-là, histoire qu’ils ne nous ennuient pas, mais aussi pour tromper ses propres voisins quand on va frapper à leur porte pour leur réclamer des friandises, quitte à leur jouer un sale tour s’ils ont le malheur de refuser. Le costume, en particulier lorsqu’on porte un masque qui vous rend anonyme, est une façon de bousculer et remettre en question l’ordre social le temps d’une nuit, en jouant un rôle qui n’est pas le nôtre, en se permettant ce qu’on ne peut pas se permettre d’ordinaire (on retrouve tout à fait ce genre de chose dans la Nuit des Rois, j’en avais parlé ici).
Alors, oui, au XIXe, on se costumait pour Halloween, et avec l’invention du prêt-à-porter et des grands magasins on a vu apparaître les premiers catalogues de vêtements proposant des déguisements. Les costumes de sorcières, fantômes, squelettes, vampires, etc, ont toujours la cote, mais on peut également se déguiser en plein d’autres choses.


En conclusion
Je ne sais pas comment ça se passe maintenant, mais à l’époque où je vivais encore en France, au début des années 2000, j’entendais souvent les gens râler à propos d’Halloween en disant :
C’est pas une fête de chez nous !
C’est vrai, bien sûr. Mais en écrivant cet article j’ai réalisé que pour les Anglais et les Américains, ça n’était pas non plus leur fête, ils n’ont fait que l’adopter progressivement. Et c’est même tout récent, quand on réalise que les citrouilles illuminées – le symbole absolu d’Halloween – n’existaient pas encore au début du XIXe ! Il n’aura fallu que quelques dizaines d’années pour que les Américains s’approprient cette fête, alors ferons-nous pareil ? Bonne question. Après tout, les sapins de Noël non plus ne sont « pas de chez nous », et pourtant personne ne crie au scandale. De plus, on retrouve également en France des traces de l’ancienne fête celtique de Samhain, où la tradition de fabriquer des lanternes en creusant des betteraves la veille de la Toussaint a perduré jusqu’au XXe siècle (je vous renvoie vers un billet Facebook, ici, qui cite la Moselle, l’Alsace, la Lorraine et d’autres…).
Déterminer si un sujet doit ou ne doit pas être intégré dans un milieu dont il n’est pas originaire, ça peut mener à des débats sans fin et je ne me lancerai pas là-dedans. Dans tout ça, ce qui me fascine le plus, c’est de voir à quel point les cultures sont mouvantes et capables de se transformer en peu de temps…
SOURCES : The Virtual Victorian - The traditions of Halloween How did the Victorians celebrate Halloween? The Victorian Historian - Halloween Victorian Era Halloween History. Costumes, Parlour Games And Traditions Hosting an Authentic Victorian Halloween Party 7 Highly Intriguing Victorian Halloween Traditions How to Make a Turnip Jack-o-Lantern, 1873 Wikipedia - Halloween Halloween costumes from the Victorian era Victorian Greeting Cards for Autumn Holidays Halloween in Gaelic Culture Fuarag: the Scottish Halloween treat you might not know about Vintage Halloween postcards Nut-crack night Wikipedia - Soul cake Wikipedia - Trick-or-treating Pourquoi et comment fête-t-on Halloween ? 7 choses que vous ignorez au sujet de l’Halloween

