Cuillères de mariage - Pays de Galles
Tout le XIXe siècle

Quelques objets curieux pour les amoureux

Avec la Saint-Valentin qui vient tout juste de passer, j’ai récolté quelques petites curiosités autour des relations amoureuses, que je m’en vais vous partager. En vrac.

Et comme je n’ai pas plus d’inspiration que ça pour mon intro, hé bien… c’est parti ! 😉


Une chandelle spéciale pour conter fleurette

Aux États-Unis, on trouve d’anciens bougeoirs en fer forgé appelés courting candles (« des bougies pour faire la cour »).

On raconte qu’au XVIIe, XVIIIe et tout début du XIXe siècle, lorsqu’un soupirant se présentait chez les parents d’une demoiselle pour passer un peu de temps avec elle au salon afin de lui faire la cour, le père de ladite demoiselle allumait une de ces bougies, qui servait de minuteur : lorsque la flamme de la bougie consumée atteignait le haut du bougeoir, c’était le signe qu’il était temps pour le jeune homme de s’en aller. Et comme la bougie est réglable en hauteur (en faisant glisser son support le long du serpentin), cela signifie que le père pouvait décider d’accorder plus ou moins de temps aux amoureux, selon qu’il approuvait ou pas la relation et le mariage qui en découlerait par la suite.

Sauf que… cette belle explication a probablement été inventée de toutes pièces.

Courting candles

En réalité, ce genre de bougeoir aurait été inventé en Allemagne, puis importé aux États-Unis par l’immigration allemande. Oui, il permet bel et bien de régler la hauteur de la bougie, mais son usage est beaucoup plus pragmatique. J’ai déjà fait un article sur les moyens de s’éclairer (voyez ici), alors je rappelle vite fait que les bougies en cire d’abeille sont un produit cher, qu’on utilise avec parcimonie. Au quotidien, on utilise plutôt des chandelles faites à base de suif, qui peuvent avoir tendance à ramollir et s’effondrer sur elles-mêmes. Un bougeoir comme celui-ci permettait donc de faire tenir debout une chandelle un peu molle, mais aussi de brûler jusqu’au bout du bout une bougie de cire bien assez chère pour qu’on n’ait pas envie de la gâcher. Tout simplement.

N’empêche… Ça en fait quand même un bel objet, non ? 🙂


Les cuillères de mariage

Un peu partout en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique, on retrouve des traditions autour de la cuillère comme symbole de fertilité et de foyer domestique, utilisée pour représenter le mariage.

Au XIXe, en Bretagne ou au pays de Galles par exemple, l’homme sculpte lui-même une cuillère en bois qu’il offre à sa dulcinée en preuve de son amour et de son intention de mariage, pour consolider leurs fiançailles. Selon les styles régionaux et les goûts personnels de celui qui la fabrique, la cuillère pourrait comporter des symboles comme :

  • des coeurs
  • un cadenas
  • des fleurs
  • des colombes
  • une roue
  • une croix
  • un visage ou une silhouette (pour représenter l’être aimé)
  • des cloches (pour annoncer le mariage à venir)
  • une ancre (si l’homme est un marin, par exemple)
  • un fer à cheval (pour la chance)

Mais si on va chercher du côté de l’Afrique ou des pays scandinaves, on trouvera plutôt deux cuillères offertes par les proches au jeune couple le jour de leur mariage, souvent liées par une chaîne ou sculptées dans une seule pièce de bois pour illustrer leur union indéfectible. Il arrivait aussi que les invités d’un mariage se présentent avec une cuillère décorative attachée à leur boutonnière, ou carrément une vraie cuillère dans leur poche (là on parle plutôt de la logistique d’une noce qui peut durer 2 ou 3 jours et où les invités sont bien avisés d’avoir leur propre cuillère s’ils veulent manger confortablement, mais l’association symbolique cuillère/mariage demeure).

Dans tous les cas, ces cuillères sculptées sont symboliques et décoratives : on les suspend au mur de la maison après le mariage, mais on ne les utilisera pas en cuisine. De nos jours, on continue d’en fabriquer quelques unes (tout comme les courting candles, d’ailleurs) pour faire vivre l’art populaire.

Lovespoons (« cuillères d’amour ») galloises
Cuillères de mariage de Norvège
Cuillère de mariage bretonne

Le puzzle purse

Comment je pourrais traduire un nom pareil… « Casse-tête qui tient dans la main » ? Moui, c’est quelque chose comme ça…

Un puzzle purse est un pliage de type origami qui renferme un poème écrit par un amoureux à sa belle. Il semblerait que le type de pliage soit toujours le même, sur une feuille de format carré pliée en 9 sections et le tout doit être déplié progressivement pour pouvoir lire les morceaux de poème dans le bon ordre. Un petit cadeau charmant et fait main qui ne pourra que plaire à votre chérie (je vous recommande d’aller en voir des exemples sur Pinterest, vous trouverez aussi les explications pour en faire vous-même).

Écrire des poèmes à l’élue de son coeur pour la séduire, ça n’a bien sûr rien de nouveau (ça date même de la moitié du XVIIIe siècle, où on offre désormais des poèmes et des petits mots, alors qu’avant on offrait plutôt des cadeaux matériels). Mais avant que les cartes de voeux imprimées ne fassent leur apparition (les premières remontent à 1843, on en a parlé ici) avec des textes et des images tout faits, il fallait se casser la tête pour écrire quelque chose de personnalisé et tout le monde n’avait pas le talent nécessaire. Il arrivait donc que de jeunes hommes cherchent dans leur entourage l’aide d’un ami/frère/cousin poète qui puisse leur servir de Cyrano de Bergerac. Mais il arrivait aussi qu’ils achètent carrément de petites publications faites exprès pour ça (comme le Gentleman’s Valentine Writer, qui coûtait 6 pences dans les années 1850), qui contenaient une sélection de poèmes et de phrases bien tournées qu’il n’y avait plus qu’à recopier pour les envoyer à la demoiselle.

Hé oui, même sans Internet, on savait se débrouiller… 😉

Reproduction d’un puzzle purse
Puzzle purse daté du 14 février 1816

ET POUR LES BÉBÉS… on trouve aussi des puzzle purses contenant non pas un poème, mais un certificat de baptême ! Probablement une sorte de souvenir mignon que la mère conservait des premières semaines de vie de son enfant.


Les cartes de « Leap Year »

Vous vous souvenez probablement des Vinegar Valentines, ces cartes de St-Valentin franchement cruelles dont je vous avais parlé l’an dernier (ici). Comme je le disais juste avant, c’est dans la deuxième moitié du XIXe siècle que l’envoi de cartes s’est énormément popularisé, avec le prix réduit du papier et du timbre poste (voyez ici), l’industrialisation de l’imprimerie, etc. Désormais, il devient très abordable d’envoyer des cartes de voeux, ce qu’on fera massivement pour les grandes fêtes annuelles, dont la Saint-Valentin.

Leap Year, ou l’amour en abondance, illustration de 1800

Or, on est à une époque où, en matière d’amour, ce sont toujours les hommes qui font le premier pas. Pour conserver leur réputation et leur pudeur, les femmes doivent rester passives, ne surtout pas faire d’avances et encore moins demander elles-mêmes un homme en mariage.

Sauf… les années bissextiles !

Ne me demandez pas d’où ça sort exactement, je n’en sais rien, mais dans la culture anglo-saxonne, tous les quatre ans, le 29 février (et par extension le 14 février aussi, puisque c’est la fête de l’amour), les femmes ont le droit de déclarer ouvertement leur flamme et de demander en mariage l’homme de leurs rêves. Une tradition qui remonte à loin, on en trouve la trace en Écosse au XIIIe siècle, et jusqu’au Danemark (un truc de Saxons, peut-être ?).

Cette année bissextile, appelée Leap Year en anglais, donne lieu à tout un tas de cartes qui enfoncent bien le clou. Les hommes n’étant pas habitués à être des proies sur le marché de la séduction, ils en sont tout déstabilisés, et le message moqueur dit en gros :

Messieurs, planquez-vous ! Si vous avez le malheur d’être célibataires, ces dames vont vous dévorer tout cru !

Je vous mets ci-dessous une petite sélection de cartes, vous en trouverez d’autres sur le site Flashbak :

Les périls de Leap Year (1880)
Une victime de Leap Year racontant à un groupe de survivants comment tout est arrivé (début XXe)
Vous n’êtes pas en sécurité en 1908, à moins que vous n’ayez déjà votre licence de mariage (1908)
À tous les hommes : faites attention ! (1908)
Je te serre enfin sur mon coeur,
Ton apparence est parfaite, tes yeux divins,
Là, je ne te lâche plus,
Sois à moi, joli garçon, sois à moi !

(1912)

En conclusion

Mesdames, sachez que la prochaine année bissextile, ce sera en 2024 ! Messieurs, préparez-vous ! 😉

C’est sûr que si on commence à fouiller parmi les différentes traditions dans le monde entourant la séduction et le mariage, il y a de quoi écrire des encyclopédies entières. Mais après l’article de la semaine dernière et le raffut que ça a donné sur les réseaux sociaux, j’ai essayé de faire un article plus simple cette semaine. Et, pour ça, les objets chelous du XIXe c’est toujours une valeur sûre… 😉

SOURCES :
What is a courting candle?
The Victorian Historian - Romance & relationships, courting candles
Wikipedia - Lovespoon
Wikipédia - Cuillère de mariage
Love spoons
Before Hallmark There Were Valentine “Writers”
Valentine Puzzle Purse
A puzzlement
Nancy's Puzzle Purse Valentine
Pinterest - Puzzle purses
Leap Day Traditions: It Gets Crazier Than Women Proposing to Men
A Glorious Selection of Vintage Leap Year Cards
Once Upon A City: Women unwilling to make the leap
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