Une vinaigrette en argent
J’aime l’Histoire dans ce qu’elle a de quotidien. Les grandes guerres et la vie des rois ou des élites, c’est intéressant, c’est sûr, mais pas autant que la vie de tous les jours, avec ses petits détails si différents des nôtres et dans lesquels on se reconnaît pourtant.
En faisant mes recherches, j’ai découvert quantité d’objets courants tombés en désuétude, voire totalement disparus. Parmi eux, il y a la vinaigrette.
Pas celle qu’on met dans la salade, non… 😉
L’hygiène au XIXème siècle
J’en reparlerai à d’autres occasions, mais disons simplement que sans être la catastrophe absolue à laquelle on pense, les standards de l’hygiène au XIXème étaient plus bas que les nôtres. Il faut dire que sans eau courante, même une toilette de chat devant son broc et sa bassine peut s’avérer un tantinet laborieuse.
Alors, on ne prend peut-être pas une douche chaude tous les matins, mais on se lave tout de même régulièrement, à l’eau et au savon. Et les riches le font sans doute plus souvent que les pauvres, ce qui ne surprendra personne.
ANECDOTE : Dans Orgueil et préjugés version BBC, l’un des éléments les plus séduisants voulus par le scénariste au sujet de Darcy, c’est qu’on le voie prendre un bain… Pas juste dans le lac, non, mais aussi dans sa baignoire. Et ce n’est pas forcément pour dévoiler son corps, mais juste pour montrer que c’est un homme qui prend soin de lui et qui ne sent pas le fennec.
Sexy, en effet, quand on pense à nos pères, nos grand-pères, ou tous ces hommes qui n’ont jamais vu la couleur d’un déo… 😉
Cela dit, si on en a les moyens, on peut passer à la vitesse supérieure en se parfumant. Les parfums coûtent cher, surtout si on utilise des produits exotiques venus de loin, alors c’est un moyen d’étaler ses richesses et de faire sentir à tout le monde qu’on fait partie de l’élite.
La vinaigrette
Les parfums sont couramment fabriqués en utilisant une base de corps gras ou d’alcools forts et neutres.
Dans le courant du XVIIIème siècle on ne parle pas encore de parfums, mais plutôt de vinaigres aromatiques (ou vinaigres de toilette) que l’on distillait avec des fleurs, des épices, des agrumes ou des aromates : rose, oeillet, lavande, fleur d’oranger, serpolet, muscade, cannelle, ambre, bergamote, cédrat, orange amère, menthe, romarin…
Ces parfums sont conservés dans des bouteille ou des fioles plus ou moins grandes, mais lorsqu’on veut les conserver sur soi, glissés dans une poche ou un petit sac, on utilise un ravissant petit objet appelé une vinaigrette. À prononcer avec un accent british, car je ne l’ai pas traduit : c’est sans doute un mot français chic qui a été importé dans la langue anglaise.
À peine grosse comme une tabatière, une vinaigrette est une petite boîte dans laquelle on place une éponge imbibée de parfum, et recouverte d’une jolie grille ouvragée pour laisser émaner les arômes sans en mettre partout. Le plus souvent en argent, elle peut être plaquée or à l’intérieur pour éviter que l’argent ne s’oxyde au contact du vinaigre (ah, je vous ai dit qu’il fallait avoir les moyens ! 😉 ).
C’est un objet personnel qui peut s’offrir en cadeau ou se personnaliser via des messages gravés ou des ornements faits sur demande. Certaines sont assez petites pour être attachées à une chaîne et glissées discrètement dans un décolleté ou les plis d’une robe.
Et ce ne sont pas que les femmes qui l’emploient : les hommes aussi aiment se parfumer !
Joli, non ? Un vrai petit bijou !
Pour l’odeur… mais pas seulement
Les vinaigres de toilette étaient appréciés pour leurs parfums, bien sûr, mais aussi pour leurs vertus cosmétiques ou désinfectantes, en fonction des propriétés des plantes utilisées.
Il existe, en France, la légende (probablement pas juste une légende, d’ailleurs) du Vinaigre des quatre voleurs. Lors d’une épidémie de peste dans le sud de la France, quatre voleurs se seraient mis à détrousser sans vergogne les cadavres, sans jamais contracter eux-même la maladie, pourtant infiniment contagieuse… Ils prétendaient s’en protéger grâce à un vinaigre spécial dont ils faisaient un usage abondant. Les ingrédients de ce remède varient selon le bouche à oreille, mais une recette a été enregistrée et commercialisée en 1748 à titre d’antiseptique. Elle l’est encore de nos jours, semble-t-il ! 🙂
En conclusion
J’étais absolument désespérée, dans La renaissance de Pemberley, d’avoir décrit, dans les affaires de Lady Anne retrouvées par Elizabeth, une simple « boîte de parfum », alors que j’aurais tellement voulu employer ce joli mot de « vinaigrette » (et que personne n’aurait compris, bien entendu) !
Mais je me rattraperai quand le roman sortira en anglais… na ! 😉
SOURCES :
Google images - silver vinaigrette
What is a vinaigrette
Regency world - vinaigrettes
Antiques - silver vinaigrette
Histoire du vinaigre de toilette
Vinaigre des quatre voleurs