Prénoms époque Jane Austen
Époque Régence anglaise

Le prénom de Mr. Darcy

Il y a des trous, dans Orgueil et préjugés, disais-je, et pas seulement au sujet du nombre d’enfants dans les fratries (voir ici).

Je vais donc commencer par la fin en posant cette question cruciale :

Pourquoi diable Darcy a-t-il comme prénom Fitzwilliam et non pas George ?

Mais oui, franchement ! Et pourquoi donc ?

Le prénom du père

En ce temps-là, on avait coutume de donner au fils aîné d’une famille le prénom de son père. Je ne sais pas où les gens se sont dit que ce serait plus facile pour la généalogie, parce que je ne vous raconte pas la confusion quand on s’appelle Lord William Fitzwilliam depuis 4 générations… Car oui, c’était le vrai nom d’un vrai comte qui siégeait à la Chambre des Lords à l’époque où Jane Austen a écrit son roman, et il s’appelait exactement comme son père, son grand-père et son arrière-grand-père. Et non, ça n’a aucun rapport avec l’oncle de Darcy (un comte Fitzwilliam fictif, celui-là).

Tout ça pour dire que Darcy étant le seul fils de sa famille, il devrait logiquement porter le prénom de son père. Ça signifierait donc que son père s’appelait aussi Fitzwilliam ? Que nenni ! Jane Austen ne nous précise rien à ce sujet, mais nous avons un indice…


Le prénom du parrain

Il n’y avait pas une quantité folle de prénoms jugés honorables pour la noblesse et la gentry (vous pouvez lire un joli article à ce sujet sur Baby Name Wizard). Et il n’y avait pas grande fantaisie non plus dans la façon de les attribuer. Alors si tu n’as pas hérité de celui de ton père, console-toi : tu vas avoir celui de ton parrain ! C’est notamment le cas de Anne de Bourgh, qui porte le prénom de sa marraine, Lady Anne (parce que, oui, ça fonctionnait souvent pareil pour les filles).

George Wickham, dans la minisérie de 1995

On ne connaît donc pas le prénom de Mr. Darcy père, en revanche on connaît celui de son filleul, le vilain-vilain George Wickham (dont je raconte la « vilainitude » plus en détails ici 😉 ). On peut donc en déduire sans trop se tromper que le père de notre gentleman préféré s’appelait George également.

Voilà. Ça, c’est réglé. Mais la question demeure : dans ce cas, pourquoi Darcy, en tant que fils aîné, ne s’appelle pas George, lui aussi ?

Serait-ce parce qu’il avait un frère aîné ? Un frère qui, lui, aurait porté le prénom paternel mais qui serait mort en bas âge, assez jeune pour qu’on n’en fasse même pas mention ? Je fais des théories, là, mais ça se pourrait fort bien et ça serait même assez logique !


Le prénom… issu d’un nom de famille ?

Comme on n’a rien inventé de nos jours, la mode d’utiliser le patronyme du père ET de la mère pour composer le nom de l’enfant existait déjà à l’époque. C’était un moyen de mettre de l’avant ses liens avec le grand monde. Si je reprends l’exemple de ce véritable comte William Fitzwilliam 4ème du nom, il se faisait appeler William Wentworth-Fitzwilliam, Wentworth étant le nom de sa mère. La dame en question était la fille d’un marquis (un rang encore plus important qu’un comte), alors on comprend bien que ça en jetait de montrer à tout le monde qu’on était issu d’un côté d’une lignée de comtes et de l’autre d’une lignée de marquis.

De la même manière, on pouvait transformer un nom de famille en prénom, toujours pour en garder une trace, en particulier si c’est un nom de jeune fille qui est voué à disparaître lorsqu’elle se mariera. Chez les Darcy, la lignée de la mère est prestigieuse, puisque Lady Anne était fille de comte alors que son époux Darcy n’avait aucun titre de noblesse. Mais comme ce nom de jeune fille a disparu à son mariage, on l’a transformé en prénom pour son fils, devenu ainsi Fitzwilliam Darcy.

PRÉCISION : Fitzwilliam signifie « fils de William ». C’est une déformation du vieux français normand (Fitz = fils), et ça se décline en un tas de versions : Fitzroy, Fitzgerald, Fitzpatrick, Fitzhenry, Fitzmaurice… C’est une manière de montrer la filiation, comme le font d’autres peuples : MacDonald chez les Écossais, O’Henry chez les Irlandais, Andersen chez les Danois, Erikson chez les Suédois, Martinez chez les Espagnols… ou encore Antunes et Simoes (« fils d’Antoine », « fils de Simon ») dans mon cas personnel, puisque mon nom est d’origine portugaise ! 😉


De l’importance des diminutifs

Avec tous ces noms qui se transmettent de génération en génération, on se retrouve vite avec un paquet d’homonymes au sein d’une même famille. Cela dit, on parle ici d’état civil uniquement : dans la vie privée, la plupart des gens avaient des diminutifs qui les distinguaient les uns des autres (Dieu merci !).

En tant que nom de famille, Fitzwilliam ne pose aucun problème. Mais en prénom, c’est plus compliqué, surtout quand on écrit une histoire sur Orgueil et préjugés, car il y a une confusion possible entre Darcy lui-même et sa famille maternelle, notamment son cousin le colonel qui porte Fitzwilliam en nom de famille et non pas en prénom. De quel Fitzwilliam on parle, là ?

Il y a une règle tacite très simple, chez les auteurs, qui consiste à nommer ses personnages de façon bien distincte (tant phonétiquement que visuellement) exprès pour éviter ce genre d’imbroglio !

Dans La renaissance de Pemberley, j’ai donc assez vite opté pour le diminutif William afin de dissocier Darcy de ce fichu nom de famille maternel encombrant…


En conclusion

Fitzwilliam Darcy, dans la minisérie de 1995

Jane Austen a donc choisi d’appeler son héros Fitzwilliam d’après sa mère, plutôt que George d’après son père.

J’ai traité ce petit détail dans mon bouquin, et au final je ne suis pas mécontente de lui donner aussi le diminutif de William, c’est quand même pas mal chic, comme prénom.

Et vous ? Vous auriez imaginé tomber follement amoureuses d’un George Darcy ?

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