Écriture et autoédition

Étretat : du réel au fictif… et inversement

Pendant mes vacances, cet été, j’ai visité pour la première fois Étretat, en Normandie.

Je ne suis pas venue là par hasard : je suis une très grande fan d’Arsène Lupin (il a occupé une grande place dans mon éducation littéraire, j’en parlais ici) et c’est dans cette jolie petite ville que se déroule la plus célèbre de ses aventures.

Il fallait que je vois ça de mes propres yeux.


Un mot sur Arsène Lupin

Arsène Lupin, illustration

Il est ancré dans la culture pop française comme le fameux gentleman-cambrioleur, celui qui t’offre des roses tout en te dérobant ta montre.

C’est une de ses facettes, mais c’est loin d’être la seule, et comme les adaptations télé et cinéma sont toutes assez réductrices, voire franchement mauvaises, je vous déconseille de vous faire une opinion en vous basant dessus (le film de 2004 avec Romain Duris est une horreur…). Lisez les livres, vous allez comprendre ! 🙂

Ce personnage a été créé par Maurice Leblanc, qui a publié à son sujet une bonne vingtaine de romans et recueils de nouvelles, ainsi que plusieurs pièces de théâtre. Héritier littéraire de Maupassant, Leblanc a pourtant été dénigré par ses pairs car il rencontrait le succès avec des romans policiers et d’aventures, un genre considéré comme pas assez « chic » pour ces messieurs des belles lettres. On disait de lui qu’il était le Conan Doyle français, et il s’en est beaucoup amusé, notamment en opposant son Arsène à une parodie assez peu flatteuse de Sherlock Holmes (et devinez qui gagnait, à la fin ? 😉 ).

Pour résumer…

Arsène c’est un mélange détonnant de Sherlock Holmes, Don Juan et Robin des Bois.

C’est un personnage extraordinairement complexe, génial sur le plan intellectuel, flamboyant et fanfaron sur le plan humain, dévoré d’orgueil et d’ambition, et avec des faiblesses qui le rendent aussi attachant qu’exaspérant.

Un héros plus grand que nature !


Du réel au fictif : l’aiguille d’Étretat

Une bonne quantité de fictions sont ancrées dans des lieux géographiques réels, bien déterminés, parfois même au point de faire de ces lieux un élément majeur de l’histoire. Exemple facile : le Notre-Dame de Paris de Victor Hugo (j’en ai parlé ici, d’ailleurs).

C’est aussi ce qu’a fait Maurice Leblanc en utilisant l’aiguille d’Étretat comme lieu-clé d’une des aventures les plus connues de son héros : L’aiguille creuse.

L’aiguille d’Étretat n’est pas à proprement parler le théâtre où se déroule le roman, en revanche elle est LE ressort scénaristique qui sous-tend tout le récit. On mène l’enquête sur la base d’un message codé parlant d’une vague aiguille creuse, dont on n’a aucune idée de ce que ça pourrait bien être, jusqu’à ce qu’on découvre qu’il s’agit en réalité de l’aiguille d’Étretat (un piton rocheux détaché de la falaise), qu’elle est effectivement creuse et qu’à l’intérieur se trouve… Bah ! Vous lirez l’histoire pour le savoir 😉

« Ah bon, elle est creuse, l’aiguille ? ». Creuse, évidemment que non, mais beaucoup plus petite que ce que j’avais imaginé, ça oui !

Ce que je trouve tout à fait savoureux, c’est que la confusion s’installe aujourd’hui lorsque les touristes qui visitent la ville évoquent ce fameux piton : au lieu de parler de « l’aiguille d’Étretat » (son vrai nom), ils l’appellent de plus en plus souvent « l’aiguille creuse ». Et la plupart du temps, ils n’ont aucune idée de ce à quoi ça fait référence !

Qui aurait cru qu’un roman puisse avoir une influence aussi forte ?


Du fictif au réel : le Clos Lupin

Dans ses romans, Maurice Leblanc cite parfois le Clos Lupin, une villa qu’Arsène Lupin possèderait en Normandie et où il compterait finir ses vieux jours. Son havre de paix, en quelque sorte, où notre filou cesserait ses cambrioles pour se consacrer au jardinage et devenir un homme honnête…

Le Clos Lupin, Etretat, Normandie, France
Le Clos Lupin, à Étretat

Ce Clos Lupin existe bel et bien : c’était la maison de Maurice Leblanc à Étretat, où il a passé 19 ans de sa vie, où il a planté des quantités de lupins (les fleurs) et où il a écrit un bon paquet des aventures de son héros. Cette fois, il semblerait que ce soit le roman qui ait inspiré la réalité…

Le Clos Lupin est aujourd’hui un musée dédié à Leblanc autant qu’à Arsène, où on peut voir le bureau dans lequel l’auteur écrivait, le jardin (ravissant) dans lequel il jardinait, et les tonnelles sous lesquelles il déjeunait en famille. Mais pour tout fan, comme moi, c’est plutôt Arsène Lupin que l’on imagine à genoux et les mains dans la terre, ou bien rentrant en sifflotant d’une promenade de santé sur les falaises.

Pour la petite anecdote, Maurice Leblanc avait coutume de dire à propos de sa villa :

C’est mon meilleur Lupin.

Joli, non ? 🙂


Et pour brouiller un peu les pistes…

Dans les romans, l’un des personnages récurrents se trouve être le biographe d’Arsène Lupin, chargé de mettre par écrit sa vie et ses exploits (oui, Arsène est très, très imbu de sa personne, ça fait partie de son charme ! 😉 ).

Maurice Leblanc suggère ainsi qu’il est lui-même ce biographe, ce qui supposerait que Lupin existe vraiment et qu’il lui rend visite de temps à autres pour lui faire des confidences.

Par ailleurs, il paraît que Maurice Leblanc signait parfois des autographes ou prenait des réservations dans les restaurants sous le nom d’Arsène Lupin. Est-il le biographe ? Est-il Arsène lui-même ? Rendu là, ça devient un jeu et il y a mille manières de continuer à s’amuser.


En conclusion

Personnellement, j’adore ces moments où l’imaginaire se mêle au réel, quitte à embrouiller un peu les gens. Ça invite à l’esprit critique pour débrouiller le vrai du faux, et en même temps ça fait travailler l’imaginaire.

Petits, on n’avait pas autant de difficulté  à imaginer des choses fantastiques dans l’environnement qui nous entourait. Ce serait dommage de perdre cette faculté !

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