Orgueil et préjugés : choisis ton camp !
C’est le sujet épineux pour tout(e) fan d’Orgueil et préjugés :
Tu préfères la série télé ou le film ?
Perso, j’ai choisi mon camp : je préfère le film, et je vais vous expliquer pourquoi. Et pourquoi les deux ont des avantages et des défauts par rapport au roman d’origine.
PRÉCISION : c’est une opinion personnelle qui n’engage que moi, bien évidemment 😉
Orgueil et préjugés, la série télé
Survol
Sortie en 1995 et produite par la BBC, avec Jennifer Ehle et Colin Firth, ce n’est pas la première adaptation filmée du roman mais c’est de la loin la plus connue. C’est surtout la plus FIDÈLE ! Extraordinairement fidèle, même ! Il faut dire qu’il y a 6 épisodes de 50 minutes, ça laisse du temps pour raconter très en détail.
Visuellement, la série est fantastique : les costumes sont impeccables et extrêmement justes historiquement parlant (oui, même les tenues tape-à-l’oeil des soeurs Bingley sont tout à fait pertinentes). Les cheveux sont attachés, les robes ont des manches pour cacher les bras (car on ne MONTRE PAS ses bras quand on est une demoiselle de bonne famille à cette époque, sauf lors d’un bal, j’en ai parlé ici). Les décors sont également très bien choisis.
Cela dit, je trouve les filles Bennet trop bien habillées : elles sont supposées être parmi les moins nanties de la gentry, pourtant leurs robes ont l’air neuves. Ça m’agace, voilà. Dans leur contexte, elles devraient être habillées plus simplement, certainement avec pas mal de vêtements récupérés qu’elles remettent en état et se passent entre soeurs (car les vêtements neufs coûtaient très cher /).
Le casting trop vieux
Le casting… C’est LE problème majeur que j’ai avec cette série : les acteurs sont tous bien trop vieux ! Les filles Bennet sont censées avoir entre 15 et 22 ans, or les comédiennes sont toutes plus âgées et ça se voit. Pareil pour la génération précédente : à cette époque, ils se mariaient et avaient leurs premiers enfants vers 20 ans, ce qui signifie que les parents ne devraient pas avoir tellement plus de 40-45 ans…
Le (sur)jeu des acteurs
Ah ! Le jeu des acteurs… Un épineux sujet, et je vais peut-être me faire des ennemis… 😉
Je suis désolée, mais vraiment je ne supporte pas Jennifer Ehle en Elizabeth : elle est absolument inexpressive, au point que ça me fout en rogne. On dirait une poupée en porcelaine, vide à l’intérieur. Et Susannah Harker (Jane) est tout aussi mollassonne en plus d’être un peu niaise. C’est vrai, Jane est supposée être naïve et bonne comme le bon pain, mais niaise, non !
À l’inverse, d’autres sont TROP expressives : Alison Steadman (Mrs. Bennet) en fait des tonnes pour rendre son personnage ridicule, sans parler de Anna Chancelor (Caroline Bingley) ou Barbara Leigh-Hunt (Lady Catherine) avec leurs regards soupçonneux. Ces personnages sont caricaturaux, ça me fait penser à du vaudeville.
Le seul qui s’en sort à merveille, dans tout ça, c’est Colin Firth. Il est un peu plus vieux qu’il ne devrait (34 ans au lieu de 27), mais il joue parfaitement bien, il a compris son personnage et le campe à merveille.
Et heureusement qu’il est là ! C’est même lui qui porte toute la série sur ses épaules. Aujourd’hui, quand on en parle, c’est bien pour admirer la performance de Colin Firth, pas celle de Jennifer Ehle, n’est-ce pas ?
En résumé
Excepté cet excellent Darcy, globalement je trouve la série télé à la fois trop proprette et trop caricaturale.
J’ai regardé des documentaires passionnants sur les coulisses (et il faut dire que les séries d’époque, à la BBC, c’est une machine bien rôdée) et je comprends tout à fait qu’elle ait remporté autant de succès. Ce n’est juste pas assez réaliste pour moi, qui aime me faire raconter des histoires dans un cadre auquel je peux croire. Dans cette série, il y a trop de détails que je trouve invraisemblables et qui me font décrocher de l’ambiance générale, voilà tout.
Orgueil et préjugés, le film
Survol
On parle ici du film de 2005, réalisé par Joe Wright, avec Keira Knightley et Matthew McFadyen.
La différence majeure, c’est que contrairement à la série télé il s’agit d’une interprétation. Wright raconte l’histoire à sa manière et fait des raccourcis (pas le choix : il n’a que 2h de film, lui, pas 5 !). Il y a donc un important travail de scénarisation, qui s’éloigne forcément du roman original. Pour autant, l’âme de l’oeuvre est respectée et selon moi le personnage d’Elizabeth est bien plus fidèle à ce que décrit Jane Austen que ce qu’on voit dans la série.
Ce que j’aime particulièrement dans ce film, c’est la sensation de vie de famille qui se dégage de l’ensemble : Longbourn est vrai un foyer, Mrs. Bennet est une mère stupide, certes, mais néanmoins aimante (j’ai une très grande tendresse pour elle, d’ailleurs, j’en parle ici), les soeurs font preuve d’affection entre elles et envers leurs parents…
Wright s’est même arrangé pour que ses comédiennes passent plusieurs jours dans la maison avant le tournage afin que les lieux leur deviennent aussi familiers que si elles vivaient là depuis longtemps. Des détails qui font la différence.
Le réalisme historique parfois bancal
Côté visuel, il y a du bon et du moins bon. La direction photo est sublime, tout est toujours très esthétique, la maison de Longbourn est plus décrépie et les costumes plus cohérents avec les personnages (j’aime beaucoup les robes de tous les jours des filles Bennet, bien ordinaires, pour les mêmes raisons que j’ai citées plus haut).
Par contre, il y a de sacrés faux-pas concernant le réalisme historique…
Il y a une vieille expression française qui dit « être en cheveux » ou « sortir en cheveux » et qui signifie ne pas être coiffée (ou ne pas porter de chapeau). Et c’est aussi inapproprié, dans la société du XIXème siècle, que de se balader aujourd’hui torse nu et en short parmi les traders de Wall Street. Le seul moment où on va tolérer que tu sortes dans la rue en cheveux, c’est parce que ta maison brûle et que tu as dû t’enfuir en vitesse… C’est pourquoi, après sa rando dans la boue, Elizabeth aurait pu se présenter à Netherfield avec un chignon mal fait et des mèches folles plein la figure, mais sûrement pas les cheveux dénoués !
C’EST UN DÉTAIL AGAÇANT… Tellement agaçant que j’en ai fait un article entier, pour expliquer pourquoi les femmes de la Régence avaient les cheveux relevés en chignon et qu’elles portaient un chapeau pour sortir de chez elles. Voyez plutôt ici ! 🙂
Je vais encore parler de robes. Il faut aussi savoir que sous leurs robes les femmes portaient une chemise de coton, soit l’équivalent d’un sous-vêtement (voir ici). Alors porter une robe qui suggère qu’on n’a pas de chemise en dessous, c’est tout simplement impensable ! À ce titre, la robe ultra décolletée et aux bretelles toutes fines de Caroline Bingley lors du bal de Netherfield est une aberration.
Un casting bien plus réussi !
Tout comme dans la série, certains comédiens sont beaucoup trop vieux. Je pense en particulier à Donald Sutherland (Mr. Bennet) et à Judy Dench (Lady Catherine). Rien ne justifie qu’ils soient si âgés. Mr. Bennet étant propriétaire d’un petit domaine, il peut se marier jeune (pas comme d’autres, forcés de se marier plus tard car ils devaient d’abord se faire assez d’argent pour entretenir une épouse, voyez ici), et Lady Catherine est une fille de comte qui n’a sûrement pas fêté les Catherinettes (j’ai détaillé ce personnage ici). Mais je leur pardonne de tout mon coeur, car ce sont deux immenses acteurs et que je me suis bien trop attachée à leur interprétation… 😉
Cela étant dit, j’admire immensément le casting des filles Bennet : les actrices ont toutes exactement l’âge de leur personnage et – bordel ! – ça fait une sacrée différence ! Ce n’est pas juste dans l’aspect physique (le fameux « âge caméra », c’est à dire l’âge que l’acteur semble avoir), mais ça se ressent dans leur jeu et leur attitude. J’adore les gloussement exaspérants de Kitty et Lydia, par exemple !
Quand à Darcy… J’ai un petit faible pour ce Darcy-là, je le trouve attachant. Par contre, McFadyen l’a joué plus comme un timide se cachant derrière une froideur apparente plutôt que comme un homme emprunt de sa propre importance, ce qui est une erreur majeure de compréhension du personnage.
Mais la reine de la fête, c’est définitivement Keira Knightley, qui nous fait une interprétation magistrale d’Elizabeth. On est en plein dedans : les traits d’esprit, les grands yeux noirs plein d’intelligence, le côté entêté et le fait qu’elle soit pleine de rire et de vie… Elle est jeune, vive et gaie. Elle a 20 ans, quoi ! Pour moi, c’est la meilleure Elizabeth qui soit.
En conclusion
Ce n’est pas pour rien si c’est le film qui m’a inspiré La renaissance de Pemberley et non pas la série. Mon roman essaye lui aussi de s’éloigner un peu de cette image d’épinal proprette pour revenir à quelque chose de plus terre-à-terre.
Bien sûr qu’il faut conserver l’étiquette, les redingotes et les robes de bal, mais derrière il y a aussi une vie quotidienne, des cochons qu’on fait passer dans l’arrière-cuisine, des chevaux qu’il faut aller chercher à la ferme parce qu’on n’en possède pas assez pour avoir une voiture prête en 15 minutes quand on a envie d’aller en ville.
J’aime aussi l’idée qu’en dehors de l’étiquette, dans l’intimité du foyer, on puisse se laisser aller à des familiarités, à de l’affection, à tout ce qui fait une vie de famille. Et si on sort se promener longtemps au grand air, on va revenir en sueur, trempé de boue et les mèches collées au front. Ce n’est pas ce qu’il y a de plus élégant, c’est sûr, mais c’est la vie.
J’y reviendrai dans d’autres articles (ici, par exemple), mais n’oublions pas que si Jane Austen ne parle jamais de tous ces détails « triviaux », ce n’est pas parce que ça n’existait pas dans son environnement : c’est juste que ce n’étaient pas des détails jugés assez nobles pour être couchés sur papier.