Écriture et autoédition

Parlons argent (3/4) – Choisir son prix de vente en autoédition

Je continue ma petite saga sur les choix à faire pour sortir un bouquin avec cette très épineuse question : quel prix fixer ?

En tant qu’autoéditrice, cette décision me revient. N’étant pas commerciale ni vendeuse dans la vie, je n’ai pas les connaissances nécessaires pour mettre en vente un produit, donc je me suis reposée sur mon expérience passée dans l’édition régulière, et sur le gros bon sens…


Étudier le marché

C’est la base. Avant de vendre quoi que ce soit, il faut aller voir ce qui se vend comme produits similaires, et à quels prix pour quelle qualité. Et on peut dire qu’il y a à boire et à manger !

Sur Amazon, j’ai comparé aussi bien les livres produits par des éditeurs traditionnels que ceux provenant de l’autoédition. Comme il existe des centaines de suites d’Orgueil et préjugés (et des romans de Jane Austen en général), j’ai survolé celles en anglais mais je me suis surtout concentrée sur celles en français, qui sont mes concurrents immédiates.

Constat : il y a de tout, et malheureusement, une bonne partie sont du gros foutage de gueule. Je n’en revenais pas que des éditeurs OSENT proposer à la vente des bouquins aussi creux et aussi mal traduits ! Croient-ils vraiment que les lecteurs ne vont pas se rendre compte qu’on leur refile du vent ?

En comparant les livres d’environ 400 pages (le mien en fait 412, dans le format que j’ai choisi), je suis un jour tombée sur une traduction dégueulasse (oui, c’est le mot) d’un roman qui faisait effectivement 400 pages… puisqu’il était écrit en police 24, avec tout juste un paragraphe de 15 lignes par page ! Tu m’étonnes que tu fais 400 pages, avec ça : c’est de l’air ! Et le pire, c’est que le prix, lui aussi, était sacrément gonflé. Faut être culotté pour proposer à un tel prix un roman d’aussi mauvaise qualité ! D’ailleurs, ça n’a pas loupé : les commentaires des lecteurs étaient exécrables…

J’ai aussi trouvé quelques fois le cas typique de l’auteur(e) qui autoédite son premier roman et qui fait l’erreur de le vendre à un prix exorbitant. Sans connaître la qualité littéraire du roman, je me dit que, là aussi, il faut avoir sacrément confiance pour proposer son livre à plus de 24 euros… Voyons ! 24 euros (37 $), vraiment ? On ne parle pas des Piliers de la terre ou de Sapiens, ici ! Il faut être un auteur superstar et pondre un sacré pavé, bien solide, pour se permettre de vendre à un tel prix ! Sinon, je suis navrée, mais ce n’est pas justifié, quand bien même l’oeuvre serait de qualité. D’ailleurs, dans ce genre de cas, il y a souvent peu de commentaires, ce qui sous-entend que le livre ne doit pas se vendre beaucoup.


Le prix du livre imprimé par rapport au livre numérique

Le livre imprimé et le ebook se font écho. Le prix de l’un influence celui de l’autre.

J’ai une opinion personnelle très tranchée à ce sujet :

Ce n’est pas justifié de vendre un livre papier à 23$ et son équivalent ebook à 18$, tout en assurant à l’acheteur qu’il a bien de la chance car il fait une économie.

C’est une vraie blague, ça ! Un ebook, c’est un fichier informatique : ça ne coûte rien à produire (pas de coût pour le papier et l’impression), ça ne coûte rien à stocker (quelques kilo-octets sur un serveur, c’est pas pareil que 5.000 exemplaires papier empilés dans un hangar en location), et ça ne coûte rien non plus à distribuer (les ebooks sont diffusés sur des sites web automatisés, il n’y a pas de transport à faire, pas de librairies avec leurs loyers et les salaires de leurs vendeurs).

En toute logique, un ebook ne devrait être rien d’autre que le prix du livre papier moins le coût d’impression, et avec un coût de diffusion très réduit. À la rigueur, comme le livre court le risque d’être facilement copié, on peut rajouter quelques sous pour éponger un peu les inévitables pertes. Reste qu’un ebook devrait coûter au grand max 40 à 50% d’un livre papier (mais pas 80% !).


Brader son livre

D’autres autoéditeurs choisissent de vendre leur livre pour trois fois rien (2 euros l’ebook, par exemple), en faisant le pari que le prix vraiment dérisoire va favoriser l’achat. On rencontre plus souvent ce cas de figure chez ceux qui n’ont pas l’intention d’offrir de version papier, peut-être pour le côté « consommation facile et rapide sur un téléphone ou une liseuse ».

À moins de vendre un format court, genre petit guide de 50 pages, je trouve que ce n’est absolument pas une bonne approche. Et même : ça fait du tort à tout le monde, car dans la tête des gens un prix dérisoire est synonyme de qualité médiocre, vite consommé, vite jeté. C’est faire injure au travail d’écriture de l’auteur. Même pour un ebook qui, comme je le disais, nécessite beaucoup moins de frais qu’un livre imprimé, c’est une attitude un peu méprisante que de considérer ce travail comme ne valant pas plus que 2 euros.

Bien entendu, en terme de qualité du produit, on trouve de tout. Autoédition signifie souvent amateurisme, et c’est un problème car maintenant que tout le monde peut publier son propre bouquin, on assiste à la publication de tout et n’importe quoi, avec des textes pas révisés et pas « édités » (je ne parle pas ici de la qualité de l’écriture et de l’histoire, ça c’est au lecteur d’en juger). Écrire, c’est une chose, mais éditer, ce n’est pas pareil : il faut respecter le travail de l’auteur, et aussi le consommateur/lecteur qui est en droit d’exiger quelque chose de soigné.

Alors écrire un roman léger, puis l’autopublier à la va-que-je-te-pousse et le brader à 2 euros pour être sûr de l’écouler au maximum, c’est une stratégie qui va peut-être, en effet, rapporter des sous, mais qui porte surtout préjudice à la totalité de l’industrie du livre en nivelant par le bas, et aux autres autoéditeurs qui, eux, tentent de fournir un travail d’aussi bonne qualité qu’un éditeur traditionnel.


Se comparer à ses expériences passées

Devant tous ces questionnements sans réponse facile, je me suis appuyée sur mes romans précédents, c’est à dire sur l’expérience de mon éditeur, pas mal plus aguerri que moi !

Autrement dit, je me suis rappelée que La cantatrice comme Les filles de joie ont été mises en vente à environ 23$ le tome (15 euros), pour un nombre de mots sensiblement équivalent (120 à 130.000). La renaissance de Pemberley est un peu plus gros (147.000 mots), mais le nombre de pages total est similaire : ça fait la même quantité de papier, les pages sont juste plus denses, donc pour ce qui est du coût d’impression ça reste une bonne comparaison à faire.


Se mettre à la place du consommateur

Enfin, tout comme vous, je suis une consommatrice de livres. Et je n’ai, comme vous aussi, j’imagine, pas un budget infini pour en acheter.

Une partie de mon raisonnement a donc consisté à me demander, très honnêtement, combien je serais prête à débourser pour acheter un roman comme La renaissance de Pemberley. Je peux faire un effort financier pour un livre vraiment spécial, dont je connais l’auteur et dont je suis certaine que je ne regretterai pas mon achat, mais si je suis plutôt dans l’optique d’acheter quelques heures de divertissement je ne vais pas forcément y consacrer une fortune.


En conclusion

Le résultat auquel j’ai abouti, après toute cette réflexion, est celui-ci :

  • 14,99 euros pour le livre papier
  • 5,99 euros pour l’ebook

J’estime que ce n’est ni trop cher, ni bradé (même si ce sera forcément toujours trop cher pour une étudiante fauchée, et pas grand chose pour une lectrice capable de consacrer un gros budget à sa passion) et je suis à l’aise avec ce choix. L’autoédition me permet de faire grimper ma part à presque 25% sur un livre papier, et 70% sur un ebook, ce qui a bien du bon sens. Dans l’édition régulière, je n’aurai gagné que 15%, en papier ou en ebook.

Maintenant, on ne s’emballe pas, car il ne s’agit que d’un revenu brut. Il faudra voir, là-dessus, combien de sous disparaîtront :

  • dans les divers changement de devises, puisque les ventes ont lieu sur des plateformes différentes (euros, dollars CAN, dollars US, livres sterling, francs suisses…)
  • dans les taxes américaines, car Amazon est une entreprise commerciale américaine, et l’IRS prend sa part
  • dans les taxes canadiennes, car en tant qu’éditeure je reste, au final, une commerçante canadienne, donc je dois aussi payer des taxes dans mon pays. Cela dit, il semblerait qu’il y ait des accords particuliers entre les USA et le Canada qui devraient me favoriser un peu
  • dans mes impôts, parce qu’être auteur, c’est cool, mais ça ne dispense pas de payer ses impôts sur le revenu, comme tout le monde

Puisque je me lance à l’assaut du lectorat français d’abord, puis francophone en général, je vais forcément avoir une portée bien plus grande, comparée aux ventes que j’ai pu faire avec mes précédents romans qui ne visaient que le marché québécois. À condition de réussir à me faire assez connaître, bien sûr. Cela dit, je ne m’attends pas à faire fortune, ni même à obtenir de quoi gagner ma vie comme écrivain.

Ce qui m’importe, c’est d’abord de :

  • rembourser l’argent que j’ai investi pour m’autoéditer (je vous en reparle dans un prochain article)
  • rémunérer convenablement mes 700 heures de travail pour la partie écriture (j’en ai parlé ici)
  • …et les autres dizaines et dizaines d’heures passées à faire l’édition, la mise en vente et la promo du roman (je n’inclus pas le temps que je passe à rédiger ce blog, car je considère que c’est un projet à part).

Ensuite, seulement, le reste sera du bonus et pourra constituer – ou pas ! – un succès. Comme quoi, c’est pas si simple !

POUR ALLER PLUS LOIN : 6 mois après la mise en vente de mon roman, j’ai fait un bilan détaillé de mon expérience, en décrivant avec précision quelles ont été mes démarches de promotion, la réception par les lecteurs et le nombre de ventes qui en a résulté.

Vous trouverez tout ça ici ! 🙂

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